Le cinéaste hollandais dresse dans Showgirls un portrait controversé de l’Amérique à travers le microcosme de Las Vegas. Le public et la critique n’étaient naturellement pas prêt pour un tel déferlement de mauvais goût et de vulgarité.


Le film narre l’initiation d’une jeune ambitieuse à travers sa confrontation à l’envers du décor du rêve américain. L’entreprise est convenue mais les moyens employés sont radicaux. Elizabeth Berkley incarne cette naïveté, à ses dépends, et assez injustement, puisque sa carrière ne s’en remettra pas. Ici, la jeune femme au passé inconnu mais qu’on devine trouble, semble préoccupée uniquement par l’avenir, cette attitude déterminée et dynamique reflète l’état d’esprit du pays où ceux qui n’agissent pas restent sur le bord de la route. La séquence introductive est annonciatrice. Dés son arrivée en ville Nomi se fait dérober sa valise, qui contient toutes les traces de son passé, les règles sont fixées et le jeu truqué dés le départ, comme les machines à sous, la devanture avenante nous appâte pour mieux nous duper, Nomi gagnera la première partie avant de tout perdre. Le rêve américain a déjà du plomb dans l’aile.


La vulgarité, marque de fabrique de l’Amérique


Le monde de Showgirls est un mélange de vulgarité et d’hypocrisie, ce que ne manque pas de relever le danseur épris de Nomi. Le strip-club où elle danse offre un spectacle honnête, au contraire de l’établissement luxueux masquant un réseau de prostitution officieux sous couvert de show prestigieux. L’Amérique tel que le réalisateur hollandais la dépeint est un immense bordel où tout un chacun se fait violence en exploitant autrui. Ceux qui échouent travaillent à l’épicerie du coin, ceux qui réussissent ont une piscine avec des dauphins sculptés. Le style criard et tapageur du film a rebuté le public et la critique. Il est cependant le sujet du film, le cinéaste prends le prétexte de l’industrie du spectacle et du sexe pour décrire un nation dont la culture matérialiste s’exprime par une vulgarité extrême. Rien ne nous est épargné dans ce spectacle d’un mauvais goût absolu, du maquillage aux tenues, la musique, les décors, mais surtout les personnages. Veroheven, qui n’en est pas à son coup d’essai dans le (mauvais)genre, ne fait cependant pas dans l’irrévérence chic. Il est difficile de ne pas voir le malin plaisir que ce dernier prends à mettre en scène et nous infliger ce spectacle affligeant, cultivant depuis toujours une attirance pour l’infâme. Showgirls est un film effronté, à l’image de ses premières réalisations hollandaises, sales et méchantes.


« A la danse comme à la guerre » : Les coulisses du succès


Le cinéaste utilise ici son savoir-faire pour filmer la danse et la violence de cette univers comme un film d’action. Les chorégraphies évoquent des actes charnels, elles sont ponctué d’irruptions de violences, réelles ou symboliques, une danseuse en blesse une autre, un volcan en carton pâte entre en éruption. On reconnaît dans la description des coulisses et l’entrée en scène le talent de l’auteur pour filmer la guerre. Ces séquences préfigurent l’entraînement et le débarquement des soldats de Starhisp Troopers. Cet attachement à décrire les coulisses est le fil rouge du film, puisque ce sont les coulisses de l’Amérique dont il est question. « The show must go on » est un mantra répété ad nauseam qui signifie bien qu’il s’agit d’une représentation. Alors que le spectacle de danse offre une représentation collective fantasmée sensée faire rêver, il n’est en réalité que le produit de tractations, de bassesses et de coups bas. L’individualisme prime dans ce spectacle collectif où le manque d’esprit d’équipe est prégnant, chacun pour sa gueule.


Femmes en détresse


L’héroïne est une figure féminine classique du cinéma de Veroheven. Femme de caractère usant de son sexe pour se faire sa place, n’hésitant pas à utiliser les hommes qui l’entourent. Les scènes de sexe extravagantes où elle domine un partenaire soumis illustre cette attitude conquérante. Aussi, lorsqu’elle quitte son amant le lendemain matin, c’est ce dernier qui la prie de rester. Dans le club, alors qu’un homme doit lui apprendre la danse (l’élève rencontre le mentor) elle renvoi ce dernier dans ses pénates d’un coup de pieds dans les parties qui déclenche une bagarre général entre les mâles de la boite de nuit. Les relations entre les femmes du récit sont les seules à exprimer de véritables émotions.
Les hommes de Showgirls sont au contraire particulièrement répugnants. Les tenanciers d’établissement sont de grossiers personnages intéressés et cynique, prompts à exploiter le corps des femmes avec plus ou moins de classe. Robert Davi est un patron de club paternaliste. Son alter-égo est un homme d’affaire au sang froid. Le mentor supposé s’avère être un queutard patenté, qui sera victime de ses pulsions. Le jeune premier joué par Kyle McChlachan est un voyou qui masque bien son jeu. Derrière les belles paroles et les vêtements branchés, on devine le sale type, qui a fait les bonnes études. Il terminera avec un crachat dans la gueule.
Ce sinistre tableau s’achève avec le personnage du chanteur de country miteux, lequel s’illustre par l’orchestration d’un viol collectif sur la meilleure amie de l’héroïne. Cette scène violente enfonce le clou du tableau dressé par l’auteur. Derrière le chanteur de ballade à cheveux long, un beauf sordide et ignoble, le Hollandais s’acharne ici à gratter le vernis moisi de l’Amérique pour mieux en révéler la substance écœurante. L’acte est d’autant plus abjecte que sa victime est le seul personnage véritablement humain du film. Voila le traitement réservé aux honnête gens, semble dire Verhoeven.


Le film s’achève en direction de Los Angeles. Difficile de ne pas voir le hollandais pointer du doigt effrontément Hollywood comme un royaume dont le degré de pourriture serait équivalent à Vegas. Nomi se retrouve en à son exact point de départ, elle s’est laissée happée par sa première victoire, avant de perdre tout ce qu’elle avait gagné, et plus encore.

Brock_Landers
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le 18 sept. 2017

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