Sherlock Jr., c'est mon premier contact avec Buster Keaton. Ses œuvres apparaissaient à plusieurs reprises dans une listes des plus grands classiques du cinéma. Pensant simplement ajouter rapidement un autre titre à la liste des films que j'ai vu pour aller faire mon snob par la suite, j'ai pris celui-ci sans grandes attentes. 45 minutes plus tard, j'étais prêt à aller prêcher sur tous les toits la supériorité de Keaton face à Chaplin, à présenter ce remède miracle à tous ceux qui font de l'urticaire quand on leur parle de cinéma noir et blanc. Car ce film n'est pas simplement bon en considérant les moyens de l'époque, en le voyant je retrouvais l'émerveillement (probable) du public de 1924. Ici pas de magie informatique pour expliquer de manière blasée les visuels les plus invraisemblables, nous avons droit à de véritables prouesses physiques dont la réalité triomphe des pirouettes sur fond vert. Quant aux autres actions improbables (comme Keaton qui saute dans la valise ou la moto qui passe sur les camions), celles-ci sont effectuées avec une telle candeur et un tel sens du rythme qu'elles en deviennent comme des tours de magie. Gratter un peu permettrait d'expliquer le trucage, mais pourquoi se priver de ce plaisir bon enfant? L'ambition pourrait s'arrêter là, mais on a aussi droit à une formidable scène onirique, une des plus belles utilisation de surimpression qu'il m'aie été donné de voir. Cette scène au cinéma en est une d'anthologie, où l'inventivité et la précision de l'exécution laisse béat.
En somme, il s'agit d'un condensé de ce que Keaton fait de mieux. Si certains pourraient lui reprocher ses réticences à s'approcher d'une sentimentalité sincère comme Chaplin, je dirais que le film évite ainsi l'aspect daté qu'ont les œuvres de ce dernier. Le côté mélodramatique de Chaplin m'a toujours laissé assez froid en raison de son exécution plus appuyée, même si c'était dans les normes de jeu du cinéma muet. Ce sont des scènes qui parviennent moins bien pour moi à se dissocier de leur époque, d'où mon admiration pour Keaton. Il se concentre sur ses gags, et c'est tant mieux, car ceux-ci n'ont pris aucune ride.