Si on se souvient encore de ce film, c'est d'avantage pour le succès des autres adaptations du roman dont il est tiré que pour le film en lui même, profitant de la remarquable popularité du feuilleton radiophonique et de la série télé basé sur l'œuvre de Grignon pour s'assurer lui aussi une petite place dans les mémoires. Sans cette parenté, il n'aurait pour lui qu'une mise en scène généralement fade, quelque chose d'à peine mieux que du théâtre filmé et dans lequel l'image est pratiquement superflue. C'est à se demander s'il y avait un intérêt autre que monétaire à mettre en image le feuilleton radio. Il y a bien ça et là des moments un peu plus inspirés qui tirent profit du médium, comme les scènes d'Alexis avec le portrait de Donalda ou bien la scène du marché entre Alexis et Séraphin (cette dernière, avec son ambiance pesante, transforme l'entente avec l'avare en pacte avec le Diable). Les scènes de ce genre sont cependant trop peu nombreuses pour cacher l'évidence, à savoir que le cinéma québécois naissant est encore loin d'avoir rattrapé son retard sur les autres cinémas nationaux.


Cela étant dit, se limiter à cette critique succincte ne rendrait pas justice au meilleur atout du film, à savoir la présence de Séraphin. Celle-ci tient non seulement du talent de son interprète Hector Charland, mais aussi à toute la physionomie de celui-ci; j'ai rarement vu un personnage avec autant de gueule, comme si le portrait de Dorian Gray s'était échappé pour imposer sa présence malsaine dans les Laurentides. Même dans la foule il se démarque de tous par son apparence, c'est un homme forgé par son vice et qui dépasse son statut de simple habitant avare pour devenir une créature folklorique. Si on peut critiquer le manque de nuance ou de subtilité d'une telle caractérisation, celle-ci à tout de même le mérite d'être mémorable, ce qui est tout à son honneur.


La somme de ses différentes composantes donne au final un film qui laisse tiède, mais qui reste tout de même intéressant pour quiconque s'intéresse à l'évolution du cinéma québécois.

Tony_Redford
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le 3 févr. 2021

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