En 1967, il y avait Dans la chaleur de la nuit, où le personnage principal était un flic qui subissait le racisme de ses pairs, et se faisait gifler par un riche homme blanc.
En 1971, il y a eu Shaft ; et ce n'est pas anodin si le film débute avec le héros qui envoie chier une voiture dont il bloque le passage en traversant la rue. J'imagine qui rien que la première réplique de John Shaft, ce "up yours !" accompagné d'un doigt d'honneur adressé par un black, a dû provoquer de grosses réactions à l'époque.
Shaft est un détective privé black qu'on ne doit pas faire chier, en fait il ne se laisse pas faire même quand il n'est pas forcément dans ses droits.
Les paroles de la chanson d’Isaac Hayes utilisée lors du générique de début sont encore plus audacieuses, on y entend notamment "Who’s the black private dick that’s a sex machine to all the chicks ? Shaft !". Déjà que le nom du personnage a une connotation sexuelle… Les paroles font son éloge tout du long, en répétant bien son nom, histoire de faire comprendre que c’est un nom à retenir.
Shaft est victime de racisme, forcément, mais il est toujours pleins de répliques cools pour faire chier les blancs qui cherchent à lui mettre la pression… même quand il s’agit de policiers qui l’interrogent après qu’un type soit passé à travers la fenêtre de son bureau.
Comme le dit un policier qui collabore avec Shaft, il a une grande gueule, mais est "man enough to back it up".
Ce qui est marrant, ce que le même personnage dit peu après "Come on, Shaft, what is it with this black shit ? You want to play your super heavy black number" ; le film ne cache pas qu'il veut faire de Shaft la nouvelle idole de la communauté black.


Mais le long-métrage ne se contente pas simplement de bâtir cette figure emblématique, l’histoire est plutôt intrigante.
Shaft refuse de se soumettre aux flics (évidemment), mais avec les deux types qui sont venus lui chercher des crosses, dont un décédé, le héros risque de perdre sa licence de détective privé et se voir confisquer son arme à feu… alors que si des hommes armés ont été envoyés chez lui, il doit s’attendre à ce que d’autres cherchent à l’avoir.
Mais un des policiers est prêt à aider Shaft contre sa collaboration : il cherche à savoir ce qui se trame à Harlem, étant en droit de penser que quelque chose de gros se prépare.
Et dans un même temps, Shaft apprend que le mafieux qui avait envoyé des hommes chez lui voulait le voir pour qu’il retrouve sa fille kidnappée.
Pendant un temps, en dehors de ses enjeux pour la communauté afro-américaine, le film s’avère être un polar sympathique, avec quelques scènes atypiques (Shaft qui piège deux mafieux en se faisant passer pour un patron de bar), mais la dernière demi-heure souffre de longueurs. Le problème est qu’il n’y a plus de retournements de situation, tout se passant exactement comme les personnages l’avaient prévu, sans surprises.
Et la conclusion est totalement expédiée.


Pour un film qui veut réhabiliter la communauté noire, je trouve ça "marrant" que les femmes soient quant à elles mal représentées : les personnages féminins sont peu nombreux et la moitié sont là pour servir d’objet sexuel à Shaft.
Il y a une scène où Shaft enquête, et soudain on le voit allongé nu sur un canapé, une femme rentre des courses, et ils couchent ensemble. Ah ok. Je ne sais même pas qui est cette femme, même une fois le film fini.
Ca fait partie de la mentalité des 70’s…. et c’est justement l’esprit 70’s qui apporte au film un certain charme : la musique soul et jazz (que je n’aime pas habituellement, mais ici ça participe à l’ambiance), et puis toutes ces expressions : you dig, we’re straight baby, right on, etc.


Le succès du film à l’époque est totalement compréhensible, et je trouve Shaft plutôt audacieux, mais je trouve que contrairement à L’inspecteur Harry sorti la même année, qui reste d’une audace hallucinante même aujourd’hui, Shaft n’a pas aussi bien résisté à l’épreuve du temps. Car si on le sort de son contexte, c’est juste un film policier correct ; je m’attendais à mieux de son intrigue, surtout au vu des histoires entrelacées au début.
Il y a eu deux suites dans les 70's, ça ne m'intéresse pas de les voir, mais je suis curieux de voir celle avec Samuel L. Jackson dans un contexte contemporain.
EDIT : En fait je viens de voir le trailer et ses effets visuels horribles à chaque plan... il m'a un peu passé l'envie.

Fry3000
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le 18 avr. 2015

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Wykydtron IV

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