Shadow
6.5
Shadow

Film de Zhāng Yì-Móu (2018)

À vouloir trop en faire, on obtient un petit Zhang Yimou


Au fil des décennies, trois royaumes se disputèrent une ville fortifiée qui changea de camp à diverses reprises. Chacun envoya ses meilleurs guerriers dans la bataille finale. Celui représentant YAN asséna au commandant de PEI un coup quasi fatal. YAN et PEI unirent ensuite leur forces pour vaincre leur ennemi commun et envoyèrent le meilleur guerrier de YAN et un groupe d'élite pour défendre la ville. La paix régnait enfin sur la ville fortifiée... Mais dans l'ombre sinueuse du palais lointain de PEI, un sombre événement s'annonce... Notre histoire débute lorsque Madame, femme du Grand Commandant de PEI, doit faire face au choix le plus difficile de sa vie.



Shadow de Yimou Zhang est une œuvre bâtarde de par sa conception qui n'est qu'un condensé des œuvres précédentes du cinéaste avec des titres comme Héro, Le Royaume interdit, et Le Secret des poignards volants. Une macédoine du meilleur de Yimou offrant dans l'intention un mélange audacieux entre le film de guerre, l'histoire d'amour, et une intrigue politique. Seulement, l'entièreté a du mal à tenir ensemble offrant un spectacle friable qui sur bien des éléments nous renvoient à ce que l'on a déjà pu voir chez Yimou. L'apprentissage d'une technique pouvant vaincre les trois coups renvoyant directement au film Hero avec la calligraphie chinoise ; les rouages politiques avec des coups fourrés sur une invasion à mener directement inspiré de La Cité interdite ; une union basée sur le sens du devoir entre deux hommes et qui sera anéanti à cause de l'amour d'une femme, imprégné du Secret des poignards volants. Du déjà-vu qui ne laisse place à aucune nouveauté.


Le film s'ouvre sur un dialogue d'exposition d'ouverture qui n'aide pas à la compréhension du théâtre exposé. Beaucoup de noms et d'éléments à retenir pour un récit qui finalement se résument à peu de chose. Faire compliquer avec du simple. Accrochez-vous bien : Situé à l'époque des Trois Royaumes de la Chine (220-280 après JC), l'histoire tourne autour de trois royaumes, dont deux ayant fusionné (Yan et Pei) pour ne faire qu'un : celui de Pei et celui Yang. Le royaume de Pei, soumis au royaume de Yang, a trouvé un accord de paix au désavantage de Pei qui se sont fait dérober durant la guerre la ville fortifiée de Jingzhou. Des années après, le commandant Ziyu (Deng Chao) du royaume de Pei défie le chef du royaume de Yang : Yang Cang (Hu Jun), sans l'autorisation de son souverain de Pei : Pei Lian (Ryan Zheng), afin de reprendre Jingzhou au royaume de Yang quitte à mettre un terme à la paix. Seulement, Ziyu n'est pas celui qu'il prétend être, il n'est en réalité que l'ombre (d'où le titre Shadow) du vrai Ziyu ( également joué par Deng Chao) qui par le passé durant la guerre a affronté Cang qui l'a vaincu et mortellement blessé. Affaibli, le vrai Ziyu depuis son repère secret se sert de son ombre pour fomenter un coup d'état en son nom contre le royaume de Pei et de Yang, seulement, le souverain de Pei joue également un double jeu avec le royaume de Yang ; le royaume de Yang qui dans sa toute-puissance conserve solidement la ville dérobée Jingzhou. Un jeu d'échecs géant où tout le monde est le pion du souverain et du commandant, seulement d'autres joueurs viennent participer à la partie.


Ça va je ne vous ai pas encore perdu ? Très bien, continuons.


Au menu : Affrontements sanguinaires (à petites doses), enjeux politiques (à petites doses), jeux de dupes et de trahison (à petites doses), une grosse tentative du cinéaste qui malgré ses bonnes intentions ne parvient que rarement à dépeindre un film suffisamment structuré pour tenir sur la longueur. Le film se cherche tout du long et ne trouve finalement sa forme définitive que sur les 20 dernières minutes qui sont excellentes. Tout ce qui se passe avant, durant 1h25 min est terriblement lent et souvent inintéressant tant le récit est largement déséquilibrée. La majeure partie du temps d'exécution est embourbée dans des petites manœuvres politiques et des petites séquences d'action qui autant dans un cas que pour l'autre ne s'intensifient jamais pleinement malgré la qualité de certaines. En dépit de quelques petites tentatives de rehaussement de rythme qui ne suffisent pas à captiver, ni même à réveiller le spectateur. Les risques de somnolence sont nombreux !



Un roi agissant contre son peuple est un roi mort. Si l'on ne reconquiert pas Jingzhou, PEI disparaîtra sous votre règne.



Techniquement : Shadow est magistralement réalisé avec une mise en scène soignée qui offre un nombre conséquent de séquences aux plans magnifiques et à la photographie grandiose. Néanmoins, quelque chose me trouble : Zhang Yimou connu pour ses œuvres colorées, utilisant une colorisation vive et riche dans la totalité de ses œuvres, offre avec Shadow son travail le plus terne. Le long-métrage est tout du long présenté sous un filtre grisâtre ne laissant place à aucune couleur vive si ce n'est du rouge vif provenant des gerbes de sang. Des tons de noir et blanc qui apportent un pigment nuancé de couleurs monochromatiques rappelant des peintures d'encre chinoises. Cela confère au cadre une atmosphère originale mais très froide qui n'aide pas à capter l'attention qui était déjà mise à rude épreuve par la lenteur du récit. Les différents costumes sont superbes. Les décors sont restreints et blafards. La musique de Lao Zai est plutôt belle et se mélange bien au récit et aux personnages qui s'illustrent avec des instruments traditionnels chinois qui embellissent les scènes de combat.


Les scènes de combat bien que rares sont remarquablement bien filmées : fluides et épurées, avec une scène de guerre particulièrement maîtrisée dans laquelle des soldats utilisent une stratégie militaire étonnante provenant d'une arme spécialement créée pour l'occasion. Des parapluies à lames tranchantes pouvant aussi bien servir de boucliers que de projectiles, et d'armes aux corps-à-corps. Une idée bienvenue qui malheureusement n'atteint jamais sa pleine mesure à cause des chorégraphies qui ne sont pas assez bien élaborées au point de nous priver de confrontations qui avaient tout pour être épique. On se contentera de passer simplement un bon moment. Les intrigues de palais bien que mal diluées dépeignent brillamment la complexité de la Cour et ses rouages politiques. Il est dommage qu'on effleure à peine dans ce domaine le génie de La Cité interdite. La romance qui tient une place importante entre plusieurs personnages et malheureusement inintéressante à cause du protagoniste principal qui est terriblement surfait.


Avec Shadow on a droit à une panoplie de personnages inintéressants à commencer par le personnage principal incarné par Deng Chao qui ne dégage rien, se contentant de suivre le mouvement, si bien que sa romance avec l'épouse du vrai Ziyu son mentor : Xiao Ai, incarné par une Sun Li convaincante, a du mal à tenir. Pourtant, l'évolution de ce personnage qui peu à peu assume sa propre vie pour sortir de sa condition d'ombre par un jeu de pouvoir, avait de quoi le rendre passionnant, seulement l'écriture autour de celui-ci lui permet de peu s'illustrer. Finalement, on retiendra avant tout la performance de la comédienne Guan Xiaotong dans le rôle de la princesse de Pei qui est la seule à amener de l'énergie et de la chaleur au récit, ainsi que les personnages du souverain de Pei et du véritable commandant Ziyu (également incarné par Deng Chao mais de bien meilleure façon) qui sont tous deux de vrais salopards. Le général Yang (Hu Jun) et son fils Ping (Leo Wu Lei) sont tous deux charismatique.



CONCLUSION : ##



Shadow de Yimou Zhang est un pot-pourri de ce qui fut déjà fait par le cinéaste à travers différentes oeuvres représentant parmi le génial du réalisateur. Un condensé du meilleur de Yimou qui si sur le papier semble exceptionnel s'avère instable dans sa conclusion, faute à un trop gros condensé d'éléments favorisant un faux rythme d'une lenteur difficile à surmonter. Néanmoins, les 20 dernières minutes illustrent le parfait mélange du cinéaste qui offre alors un final grandiose au cours d'une bataille visuellement magnifique avec une conclusion à coups de multiples coups fourrés et autres retournements de situations. Pas suffisant pour en faire un grand film mais au moins pour rendre le tout un peu plus digeste.


Yimou Zhang sous un petit jour.




  • As-tu une chance de gagner ?

  • Au mieux une chance sur trois.

  • C'est insensé ! Sans ce traité de paix, PEI aurait péri depuis longtemps.


B_Jérémy
6
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le 9 oct. 2021

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