Deux ans avant le mythique Un après midi de chien, Sidney Lumet et Al Pacino se rencontraient pour nous narrer la vie de Frank Serpico, flic de New York idéaliste et incorruptible qui va s'opposer à tous ses collègues pour dénoncer la corruption qui gangrène non seulement les divers commissariats auxquels il sera affecté, mais aussi les plus hautes fonctions de la ville.


Tout un programme donc qu'il faudra mériter puisque l'intrigue débute véritablement après au moins une heure de film ! Nous assistons tout d'abord aux premières patrouilles de Serpico en uniforme, à sa vie sentimentale et familiale avant de le voir questionner progressivement les méthodes, datées, de la police, notamment en terme d'apparence. La police, selon lui, doit se fondre dans la foule, lui ressembler. Pacino enchaînera ainsi les looks les plus improbables au cours du film, se laissant également aller au niveau capillaire, élément censé nous faire comprendre que le temps passe. Le film a d'ailleurs été tourné à l'envers, Pacino se coupant cheveux et barbe au fur et à mesure du tournage!


Cette première partie n'est d'ailleurs pas inintéressante et, bien que trouvant le rythme assez lent, je voulais savoir comment Serpico allait progressivement bouleverser les méthodes de ses collègues. Oui car je ne l'ai pas précisé, je ne connaissais absolument pas le sujet du film auparavant ! C'est pourquoi je fus pour le moins surpris quand survint cette scène, a priori anecdotique, dans laquelle Serpico se voit recevoir une enveloppe pleine de billets par l'un de ses collègues. Méthode qu'il s'empresse de dénoncer, sans peu de succès, avant de se lancer dans une véritable quête pour faire tomber tous les pourris de la police, emmenant le film dans une direction radicalement différente. Quid de la première intrigue sur les expérimentations vestimentaires de ce bon vieux Al ? Et bien pas grand chose... Et c'est bien dommage ! J'en suis alors venu à me demander qui a pu écrire un scénario aussi bancal ? Alors on me fait signe que l'auteur du livre à co-signé le scénario du film. Le problème c'est que ce qui peut fonctionner en littérature, a fortiori dans une biographie, ne fonctionne pas nécessairement dans un film où l'on este droit de s'attendre à une intrigue dont les enjeux et les objectifs sont posés clairement dans la première partie du film. Alors oui, on peut toujours tordre le coup aux règles me direz-vous, et de nombreux contre-exemples viendront vous donner raison, mais force est de constater que ça ne fonctionne absolument pas ici.


Un choix de structure d'autant plus rageant que la réalisation de Sidney Lumet, caméra au poing, lumières naturelles et cadrages au plus près de l'action, s'avère des plus réussie. Même si, il faut l'avouer, elle n'atteint pas l'intensité de celle de William Friedkin pour French Connection qui avait redéfini les standards du polar deux ans plus tôt. Mais il faut bien saluer la capacité de Lumet à questionner sa mise en scène d'un film à l'autre, n'hésitant pas à faire des virages à 180° dans ses choix stylistiques. Enchaînez ce film avec Le crime de l'Orient Express et cela vous sautera aux yeux !


Autre élément des plus convaincant : Al Pacino. N'ayant pas encore connu son heure de gloire, l'acteur livre ici l'une performance qui fera rapidement de lui l'un des acteurs les plus en vue de sa génération. Il faut le voir fouiller les poches d'un suspect dans une scène de colère mémorable ou le pauvre finira complètement défroqué ! Mais le revers de la médaille c'est que je trouve son personnage finalement assez peu attachant. Si son combat est noble, son attitude le rend difficilement supportable. Son désespoir et sa frustration sont compréhensibles mais il manque peut être des scènes qui auraient pu adoucir le personnage. Pour ma défense, Sidney Lumet lui même ne savait pas trop s'il l'aimait !


Bref, un film qui a sans doute marqué son époque pour plusieurs raisons très justifiées mais qui s'avère un peu difficile de découvrir aujourd'hui. Ce qui n'est, heureusement, pas le cas de tous les films sortis avant ma naissance !

Oudouard
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le 5 sept. 2019

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Oudouard

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