Second Tour
6.1
Second Tour

Film de Albert Dupontel (2023)

Bon... Que dire... C'est pas bien quoi, vraiment pas bien.

Dupontel est un réalisateur dont je ne suis pas un immense fan, il est de ces réal que je respecte, mais avec une limite de 500 mètres entre nous, ces réal qui ne font jamais de grands grands films mais qui ont le mérite de me faire rire, et de faire des propositions suffisamment intéressantes et originales pour que je n'ai pas spécialement envie de m'acharner sur leur gueule. Mais là on frise l'illégal, rien, à peut-être une ou deux exceptions près, ne va.

J'évacue l'évident, qui pose, soyons d'accord, un sacré problème au film, mais je n'ai pas envie qu'on croie que je le déteste uniquement à cause de ça : les CGI. C'est à dire que là on est face à un film, qui n'a pas besoin de ça. Par exemple, on suit les personnages évoluer sur un chemin de terre à côté d'un lac. Dupontel veut de manière assez évident nous montrer la nature, puisque toute la fi du film a besoin de ça pour se dérouler. Au lieu de faire 3 ou 4 habiles plans fixes (un plan d'ensemble pour situer l'action et des plans sur des animaux) ou alors un plan drone qui survole (je déteste les plans drones la plupart du temps, mais ça aurait pu être un peu coordonné), Dupontel décide de faire un plan immonde en 3D qui suit un aigle en CGI très laides plonger dans l'eau pour attraper un poisson. Vraiment plan façon avatar. Sauf que ce film n'a pas le trillionième du budget d'avatar, dans cette situation tu te retiens ! Tu fais autre chose, c'est pas essentiel, c'est risible et c'est moche !

Les scènes de CGI viennent s'inscrire dans l'esthétique assez laide de Dupontel, qui à la limite, trouvais son sens dans Au revoir là haut, qui parlait de quelque chose dur et aride, avoir une image sale, ça pouvait se justifier. Ici on retrouve cette manière de faire apparu en post-2000 à cause de J-P Jeunet, à base de couleurs jaunis, de grands angles sur les fronts des personnages pour faire oublier le vide intersidéral de la mise en scène et à base de caméra qui bouge sans arrêt pour abrutir le spectateur. On dirait en plus de ça que Dupontel à découvert la vidéo avant-hier et qu'il veut absolument montrer ce qu'il est possible de faire : des gros plans avec de la sueur en parfaite qualité, une scène de chirurgie assez graphique, scène parfaitement inutile dans le développement d'ailleurs, et absolument pas dans le ton du film, ce n'est même pas un jeu pour marquer une rupture de ton ni rien, le film garde exactement la même teneur avant et après cette scène. C'est juste là parce qu'il pouvait le faire.

La caméra est toujours là à tourner, retourner, se déplacer partout comme si faire un plan fixe allait ennuyer le spectateur, on nous présente le frère caché du candidat, on veut nous présenter sa tranquillité avec une vie éloignée de tout en tant qu'apiculteur. Dupontel présente cette scène avec un plan excessivement long au drone qui descend la vallée pour atterrir sur l'apiculteur puis la caméra tournicote autour de lui, des abeilles (en CGI moches) et des ruches. Bref, l'inverse de la tranquillité, on a juste envie de gerber. C'est un plan de poseur, mais pas un poseur à la Noé, qui pose, certes, mais au moins sa pose te fait ressentir les émotions voulues (envie de gerber dans climax, l'impression d'être soi-même à cette soirée, l'impression d'être complètement con et drogué devant Enter The Void), ici c'est parce qu'il en avait les moyens il l'a fait, jamais de réflexions sur l'impact de la mise en scène sur le spectateur. C'est juste ridicule.

La mise en scène n'est pas réfléchie, les CGI sont inutiles et même pas finies, le film donne envie de gerber quand ce n'est pas l'objectif, les décors sont moches puisqu'il n'y en a pas et que la moitié du film est sur fond vert, d'accord, mais certains défendront qu'on va voir un Dupontel pour rire un coup et voir un film d'aventure en France, la belle affaire, même ça c'est raté.

J'exagère peut être un peu c'est possible, on rigole quand même à deux trois blagues, et Dupontel joue assez bien le débile (uniquement le débile hein) et parfois c'est drôle. Mais même là lorsqu'on rigole, on ne rigole pas avec le mec qui vit loin de la société, on rit de lui. Le film le défend avec toute cette tirade tire-larmes à la fin du film "il comprend rien mais il sait tout". On dit pas ça en fait, on prend pas un ton paternaliste comme ça, on commence pas à dire "ahlala les provinciaux ils sont quand même super cons mais qu'est ce qu'ils sont mignons", c'est pas un traitement de personnages, c'est un mollard à la gueule. Et même à la fin pendant son quart-d'heure de gloire à propos des abeilles, c'est vraiment ça pour toi montrer l'émancipation des faibles sur les dominants, leur faire parler des abeilles et dire "ils sont quand même vachement mignons quand ils parlent des abeilles". Bref c'est juste dégueulasse. Passons aussi sur le fait que le film est super raciste des Roumains, ça prenait 40 secondes, Dupontel, de chercher sur internet pour voir que les roumains ne sont pas des "p'tits roms" comme tu le fais dire à Cécile de France, ton personnage angélique qui représente la voix de la raison. Les roms n'ont littéralement rien à voir avec les roumains si ce n'est trois lettres. Oui l'erreur est commune parce qu'on n'est pas renseigné, mais le racisme avant d'être de la haine c'est de l'ignorance, ici c'est du racisme d'un petit malin ignorant qui s'est dit "ça serait super marrant que ça soit un p'tit rom, j'aime bien la sonorité". Passons aussi, côté racisme, sur la traduction roumain-français faite par, je cite "on n'a qu'à aller voir un mec aux feux rouges, je vais me faire laver la vitre". Ça se passe de commentaire.

Il y a quand même des scènes je me demande si elles ne sont pas supposé être des vannes en soit, je spécule mais je pense que Dupontel s'attende à ce qu'on rigole du fait que les gardes du corps soit des meufs du Mossad (certains ont rit dans la salle lorsqu'elles se battent, moi aussi j'ai ri mais parce que c'était super mal foutu). La blague fonctionne dans y'a-t-il un pilote dans l'avion parce que c'est deux girl scouts dans un bar qui s'attrape et qui se battent super violemment, c'est pas drôle parce que c'est des meufs, mais parce que c'est des scouts. C'est pas normal que sa vanne soit basée sur genre "regarde des femmes qui se battent c'est trop trop incongru mdrrrrrrr".

Je le met en dernier parce que c'est clairement le point le moins important de ma critique (y'aurait que ça, le film serait sympa), mais le scénario est quand même basé sur une incohérence en soit : le plan du personnage de Dupontel (être élu par la droite et ensuite avoir une gouvernance de gauche) ne fonctionne pas, je veux dire, il y a les législatives derrière, même si son camp gagne, les députés seraient quand même de droite, et il devrait choisir un premier ministre parmi son camp politique, premier ministre qui serait de droite et qui choisirait donc un gouvernement de droite. Le film se passe bien en France en 2022, pas de "c'est une fable dans un pays mal défini", non, on parle de la France dans notre monde à nous. C'est pas très grave c'est vrai, mais merde quoi ça prenait 2 minutes à le justifier dans le scénario avec une pirouette un peu conne. Je comprends pas comment on peut passer 3 ans sur un film et ne pas s'en rendre compte, que les producteurs ne s'en rendent pas compte, que les acteurs ne s'en rendent pas compte ou que les monteurs ne s'en rendent pas compte.

Bref film de merde, je l'ai vu vous pouvez maintenant le fuir le plus vite possible, c'est moche, c'est mal filmé, mal écrit, raciste, vaguement misogyne et franchement pas super bien joué.

McTrobo
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le 11 sept. 2023

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