Avant de commencer a attaquer ce film j’aimerais débuter sur une note positive, car je ne pense pas que ce soit un film inintéressant. 


Nous sommes face au premier film du cinéaste Andrew Haigh qui signe donc ici sa porte d’entrée dans le monde du cinéma. On note notamment la présence de Paul Mescal, un acteur qui fait petit a petit son nid a hollywood et que j’aime plutôt bien. J’aime pas nécessairement faire du point par point quand il s’agit de commenter une œuvre mais je dois dire que le jeu d’acteur est honnêtement bon. Ici on ne cherche pas la prestation mais à se fondre dans le film. Le film, de par ses caractéristiques se voulant assez onirique, semble être un gros bloc dont tous les éléments semblent totalement en harmonie. Le film est donc assez envoutant a regarder puisqu’il semble nous porter dans un mouvement unique. Tout ça est honnêtement réussi et le film fonctionne sur la partie purement formelle (je vois déjà des gens crier a la « cinématography » et se branler sur la photo, oui c’est joli et les cadre sont bien composés mais ça fait pas un film).


Je suis un grand client de tout ce qui peut toucher a l’imagerie onirique au cinéma. Il suffit souvent d’une surimpression pour m’avoir. On parle souvent du cinema comme devant « faire rêver ». Si je ne suis pas d’accord avec cette phrase quand il s’agit de rabâcher des discours sur l’ambition au cinema et l’hégémonie des blockbusters, films fantastiques, ou films de science fiction, je pense que mon sujet préféré au cinema est bien quand il s’intéresse a la question du rêve, et de tout ce qui l’entoure. 


Ce film avait donc a priori tout pour me plaire, mais je pense qu’il a raté le coche. 


Si le film se donne des allures oniriques formellement, ce qui semble le plus transparaître lors du visionnage c’est la charge émotionnelle qu’il essaye de nous transmettre.


Premièrement, le sujet. Le film traite du deuil de nos parents, un sujet commun a chacun de nous comme c’est malheureusement une réalité de la vie que nous devrons tous affronter a un moment ou a un autre. Avec ce sujet, le film s’adresse donc directement au spectateur, et clairement ici le but c’est d’émouvoir tout le monde. 


Le film s’enferme donc dans une allure de mélodrame qui semble nous ordonner d’être ému a presque chaque instant du film. C’est un problème puisque ça veut dire que chaque plan a la même charge émotionnelle (ce qui va de soi avec le fait que le film soit construit comme un bloc onirique) et que donc dans la logique structurelle du film qui est de graduer crescendo l’émotion ça ne fonctionne tout simplement pas puisque le film laisse que très rarement le spectateur s’investir dans ce qu’il regarde et appréhender ce que lui montre le film et non pas ce qu'évoque ce que lui montre le film (en gros le film englobe le spectateur dans une charge émotionnelle qui lui fait se concentrer sur lui en évoquant continuellement le sentiment de tristesse a l’idée que ses parents lui soient perdus, et non sur le film qu’il est en train de regarder car il n’a pas le temps de rentrer dans le film comme le film ne le laisse pas respirer et essaye de le plonger dans des émotions fortes).


Ce que je dis vaut surtout pour la 2eme moitié du film puisque le film a la terrible idée narrative d’éclater sa narration et de laisser le spectateur comprendre ce qu’il se passe en lui disséminant des indices (avant de lui révéler vers la moitié que les parents du personnages sont en réalité morts). Deja l’idee est mauvais puisque de cette maniere tu incite ton spectateur a passer son temps a chercher a comprendre ce que tu veux lui raconter, le detournant totalement de ce qu’il est en train de regarder. Mais surtout c’est une très mauvaise idée puisque de cette manière le film nous montre qu’il en sait continuellement plus que son spectateur. Le problème avec cela c’est que ça crée automatiquement une distanciation entre l’auteur et son spectateur et donc entre le film et le spectateur. Si l’ambition principal de ton film se trouve dans la volonté d’émouvoir ton public tu ne peux pas laisser de distance entre tes spectateurs et ce que tu leur montre. On ne peut pas s’investir émotionnellement dans un film s’il en sait plus que nous puisque de cette manière il s’accapare l’image et donc le spectateur ne peut pas se l’approprier. Ce film passe donc continuellement son temps a voler des images a son spectateur et a ne lui laisser que des évocations. Tout cela se caractérise par le nombre accablants de plans poitrines, de plans très resserrés sur les corps, et de champ contre-champ qui laisse donc plus place a la discussion et aux rapports humains plutôt qu’aux images.


Quand j’essaye de me souvenir du film plusieurs heures après l’avoir vu, je me souviens d’avoir badé en pensant a des trucs franchement tristes que le film m’a évoqué, mais quasiment pas a des images, ou des propositions intéressantes de cinema. 


De cette manière, le film se raconte et se montre plus qu’il ne raconte et montre. Et au delà de se raconter il raconte son auteur. Comme Andrew Haigh s’approprie ses images, son film ne raconte quasiment que lui. Je ne sais pas s’il a perdu de parent, mais ça laisse a supposer vu la manière dont le film semble personnel (on voit que c’est un projet fait avec le cœur). En général quand tu fais un premier film t’es pas sur d’en faire un deuxième alors tu mets tout ce que t’as a mettre dedans. Les premiers films sont souvent très personnels (bien que je sois assez en accord avec la théorie des auteurs sur le principe, chaque film parle de son auteur d’une quelconque manière). Je comprend cette envie d’exprimer quelque chose, ce film est probablement assez cathartique pour son auteur, mais le spectateur est totalement en dehors. Je suis désolé pour lui si il a perdu un proche ou quoi, rip, mais je m’en fiche. Excusez-moi pour la formulation mais j’ai pas besoin un film d’1h45 d’un cinéaste auto-centré qui voit le cinema comme un remède aux problèmes de sa vie. Nous sommes des spectateurs, pas des amis ou des psychologues. Le film n’est quasiment pas politique, il ne parle quasiment de rien en dehors du deuil parental (sujet dont il passe totalement a coté ducoup). J’ai juste l’impression de voir un film assez prétentieux qui ne me montre strictement rien et qui me répète en boucle « ehhh pense a ta mère quand elle va mourir c’est trop triste hein 👎👎👎 » en essayant de me faire du formalisme qui consiste en des jolies lumières, des surimpressions, et des plans poitrine avec une focale. Il n’y a rien a voir, rien a ressentir. 


Bon comme je suis quelqu’un de tolèrent je ne vais pas m’arrêter sur ça parce-que certes, selon moi le film passe a côté de ses grosses fondations, mais il reste quelques zones de lumière a aborder. 


Comme je l’ai dit plus haut, le film se caractérise notamment par le nombre accablants de plans poitrines, de plans très resserrés sur les corps, et de champ contre-champ, et laisse donc plus de place a la discussion et aux rapports humains plutôt qu’aux images. Ça tombe bien, en dehors de l’onirisme j’aime beaucoup quand le cinéma nous enferme dans des situations (j’aime notamment beaucoup Hong Sang-Soo). Dans le film, le personnage principal navigue entre sa vie de couple dans son appartement et la maison de ses parents avec ses parents fantômes. Et c’est tout, le personnage n’existe pas autrement que par ça. On a pas beaucoup d’informations sur lui (ce qui est un peu dommage comme on doit s’investir et se retrouver dans un personnage). Defois on le voit vite fais prendre le bus ou sortir un peu mais ça ressemble plus a des scènes de transitions. L’essentiel de l’action se passe dans l’appartement et la maison. Ce dispositif laisse place a une double narration dans laquelle on va suivre dans un premier temps l’évolution de la vie de couple du personnage (de la rencontre a… la mort visiblement) et sa retrouvaille avec ses parents qui laisse surtout place aux situations. Nous avons en théorie un contraste entre une narration immobile (les parents), et une narration en mouvement (Paul Mescal), bon au final même avec les parents on est dans une démarche évolution puisque le spectateur est invité a comprendre ce qu’il se passe (pourquoi sa mère semble avoir le même âge que lui, comment s’insèrent ces moments diegetiquement dans le récit…), mais ce a quoi nous avons à faire reste des scènes de situation. Des scènes qui laissent place aux dialogues et aux rapports humains. Honnêtement ces scènes sont pas mal, les dialogues sont bons et la structure de ces scènes est toujours très efficace (même si elles participent toujours au bloc global du film et finissent donc souvent en chialade forcée). On sent vraiment une démarche sincère dans ces segments parce-qu’ils ont vraiment de l’intérêt. Dommage qu'on passe 50 minutes a regarder ça sans comprendre les réels enjeux de ces scènes parce-que monsieur Andrew Haigh veut faire son petit twist.


La figure du fantôme au cinema caractérise souvent le cinéma. Être un fantôme c’est passer d’un monde a un autre, appartenir au monde des images, persister à exister pour ne pas que son corps laisse place aux images… c’est un sujet cinématographiquement fort et honnêtement c’est plutôt bien traité ici. Tout a l’heure je critiquais la narration éclatée du film, il se trouve qu’ici ça marche plutôt bien puisqu’on a vraiment affaire a des scènes qui semblent hors du temps et ne s’incluant pas dans le reste de la dramaturgie (meme si elles restent dans le bloc formel du film). Je pense que ces scènes nous parlent ouvertement de cinema, le personnage rentre figurativement par le montage dans un film (caractérisé par un souvenir) pour pouvoir revoir ses parents (c’est pour ça que le temps semble stoppé y compris pour lui quand on le voit enfant dans les miroirs par exemple). A partir du moment où il va prendre trop de place dans l’écran (en entrant dans le lit et donc dans l’intimité et le sommeil) il va briser la distance qu’il a avec le film, il va donc en être rejeté, et quand il essayera de réduire cette distance en se rendant réellement sur place, la porte lui sera fermée (le contact avec les morts est impossible, le contact avec le cinema est impossible, ce qui est a l’écran est a l’écran. Les morts appartiennent au monde des morts, du passé, et du cinema (cf. Le Royaume des Ombres, Maxim Gorky)). Bon ben franchement c’est cool tout ça, j’ai beaucoup aimé cette scène ou se confond cinema et réalité, ou quelque part on se rend sur des lieux de tournage pour rencontrer des stars de cinéma. En plus la maison à beaucoup de fenêtres donc on est vraiment dans cette métaphore d’écran, de cinema comme reflet du monde et du monde des morts. Malheureusement je sais pas si Andrew Haigh était vraiment obligé de le faire irl et de faire un film de 1h45 sur cette idée la dans le but de faire vivre ses parents a l’ecran quoi (a travers des comédiens).


Bon sinon j’en ai pas parlé mais oui la relation amoureuse entre les deux personnages est cool. Au cinema quand on parle d’homosexualité ou de sujets lgbtqi+ on est obligé de l’aborder de manière politique car dans notre société la présence de ces représentations a l’écran est forcement un acte politique. Ici ce n’est pas du tout le cas, l’orientation sexuelle de cette relation ne semble pas avoir d’importance (on a juste cette scène très cool ou il annonce qu’il est gay a sa mère après 30 ans). Ça fait plaisir de voir une relation homosexuelle représentée comme ça au cinema, rien n’est appuyé. La caméra est peut-être trop proche des corps (c’est bien pour la tension érotique du couple mais moins bien pour vraiment l’inclure dans une banalité du quotidien, on est bcp plongés dans les relations mais on les voit pas assez dans des plans d’ensembles comme des composantes du décor de leur quotidien. C'est dommage), mais ouais c’est un bon point du film et ça s’englobe bien dans le bloc. D’ailleurs j’aime beaucoup le plan de fin qui est pour le coup une image vraiment belle et bien trouvée. Probablement la seule émotion esthétique que j’ai ressenti btw (non en vrai y’a le plan sur le gamin dans le reflet du metro que j’aime bien aussi).


Bref pour résumer le film regarde un peu trop son nombril, l’auteur nous vole les images, paul mescal est cool, les surimpressions c’est bien, c’est un peu cliché de faire un twist « en fait sa mère elle est morte » en big 2024, le dernier plan est bien, bravo les lgbt, et les scènes de situation sont bien.


C’est ni un bon film, ni un mauvais film je pense. Ça mérite qu’on se penche dessus.


Ah et la musique est vraiment horrible par contre. J'avais envie de crever pendant toute la séance. Déjà que j'aime pas le mélo et que je trouve le film bien trop mélo sans ça alors si tu me sors le piano et les violons... bref.


Note: 5/10

tonynoodllle
5
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Créée

le 9 mars 2024

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Famoso Sosa

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