Malgré une intrigue limpide, chaque séquence de cette œuvre peut être sujette à interprétation, dans la mesure que l'on peut s'interroger si elle a vraiment lieu ou si elle est tout droit sortie de l'imagination du protagoniste. Pour moi, il y a quelques indices suffisamment solides... enfin, bref, je vais laisser chacun se faire sa propre opinion. Je ne vais pas imposer la mienne, mais, sur ce coup, je pense qu'une grande majorité des spectateurs auront la même thèse que moi.


Une chose qu'est sûre, que je peux catégoriquement affirmer sans ruiner l'expérience de quiconque, c'est que la tristesse règne en maître dans ce récit suivant un être solitaire qui, la quarantaine dépassée, n'a pas surmonté le traumatisme de la perte de ses parents, lors d'un accident de voiture, alors qu'il était encore un enfant.


Qu'on soit dans l'étrange, dans le fantastique, on suit un être qui a l'occasion de dire à son père et à sa mère, qui lui apparaissent à l'âge de leur mort, tout ce qu'il n'a jamais pu leur dire et inversement. En filigranes, on a aussi le portrait d'un passé tchatchérien, guère LGBT+ friendly, ce qui a enfoncé encore plus notre malheureux dans sa fragilité et son incapacité à vivre une existence normale. Oui, quand je soulignais que la tristesse règne en maître, ce n'est pas pour rien.


Et en parallèle, notre solitaire est montré comme vivant une relation sentimentale avec l'unique autre locataire de l'immeuble dans lequel il habite (symbolisme de l'isolement quand tu nous tiens !).


Épuré sur le nombre de caractères importants (quatre !), la réalisation d'Andrew Haigh sait se faire sobre, avec une bonne utilisation de la nuit et des lumières artificielles liées à celle-ci, choisit bien à propos la mélancolique chanson Always On My Mind, version Pet Shop Boys, pour accompagner et dirige parfaitement ses comédiens. Andrew Scott est particulièrement émouvant et subtil dans un rôle difficile, notamment parce que les sentiments qui animent son personnage passent souvent par les expressions du visage et la gestuelle.


All of Us Strangers est une belle et touchante exploration des démons intérieurs du présent, de leurs attaches avec cette terre fantomatique et étrangère qu'est le passé.

Plume231
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2024

Créée

le 13 févr. 2024

Critique lue 1.4K fois

24 j'aime

6 commentaires

Plume231

Écrit par

Critique lue 1.4K fois

24
6

D'autres avis sur Sans jamais nous connaître

Sans jamais nous connaître
Yoshii
9

Lettre d’un petit garçon à ses parents

Chère maman, Hier au cinéma, ou peut-être était-ce chez moi le jour d'avant, j'ai vu un film, enfin quelque chose qui ressemble à ça. J'ai beaucoup aimé. Ou peut-être pas du tout... Je ne sais plus...

le 9 févr. 2024

55 j'aime

8

Sans jamais nous connaître
Sergent_Pepper
7

Strangers in the write

Cinéaste assez rare et discret (son dernier et très réussi La Route Sauvage date de 2018), Andrew Haigh affectionne les portraits tourmentés et les individus marqués par l’épreuve du temps et des...

le 19 févr. 2024

53 j'aime

2

Sans jamais nous connaître
Archimede1105
3

Du vide et des synthés

Je n'ai absolument pas accroché. Disons que c'est un film sur le deuil où, sous couvert d'un petit vernis un peu fantastique, tout est traité de manière extrêmement frontale et simpliste, et il n'y a...

le 15 févr. 2024

37 j'aime

10

Du même critique

Babylon
Plume231
8

Chantons sous la pisse !

L'histoire du septième art est ponctuée de faits étranges, à l'instar de la production de ce film. Comment un studio, des producteurs ont pu se dire qu'aujourd'hui une telle œuvre ambitieuse avait la...

le 18 janv. 2023

285 j'aime

19

Oppenheimer
Plume231
3

Un melon de la taille d'un champignon !

Christopher Nolan est un putain d'excellent technicien (sachant admirablement s'entourer à ce niveau-là !). Il arrive à faire des images à tomber à la renverse, aussi bien par leur réalisme que par...

le 19 juil. 2023

208 j'aime

28

The Batman
Plume231
4

Détective Batman !

[AVERTISSEMENT : cette critique a été rédigée par un vieux con difficile de 35 piges qui n'a pas dû visionner un film de super-héros depuis le Paléolithique.]Le meilleur moyen de faire du neuf, c'est...

le 18 juil. 2022

137 j'aime

31