Saint Omer avait déjà une excellente réputation avant sa sortie et je comprends désormais pourquoi.
Le pari de faire un film sur le procès d'une femme accusée d'infanticide, ou plutôt sur d'autres sujets : la maternité mais aussi la curieuse fascination que va représenter cette personne pour la protagoniste et pour nous, spectateurs, est très bien tenu et ce n'était pas simple.
Dans les scènes de procès, de nombreux cinéastes filment ça assez platement à coup de champ-contrechamp. Ici, on est souvent en plan fixe, en immersion dans ce tribunal dans ce silence dérangeant, mais Alice Diop utilise le hors-champ à des moments-clé de son film, ce qui va parfaitement servir la narration. Ne pas voir l'accusée à certains moments ou ne pas voir un avocat en train de parler mais la voir elle va créer une certaine frustration chez le spectateur, et cette frustration est parfaite pour que l'accusée paraisse encore plus ambiguë.
Guslagie Malanda est merveilleuse, je n'ai pas d'autre mot. Elle parvient parfaitement à jouer ce personnage de Laurence avec une neutralité absolue et une éloquence remarquable. Il y a un plan du film où Alice Diop la fait sortir de cette neutralité et c'est tout simplement génial, on frissonne pendant quelques secondes et c'est un plan qui marque la rétine.
C'est le genre de film avec lequel on ressort la tête remplie de questions mais dans le bon sens des choses : on a été troublé par ce procès mis à l'écran, cette musique hypnotique et cette perturbation que ressent le personnage de Rama.