Simone est sans doute meilleur aujourd'hui qu'il ne l'était à son lancement. Ce film un peu potache sur la création d'une icone virtuelle que tout le monde croit être réelle était sans doute peu convaincant à l'époque. Mais de nos jours son propos est rendu nettement plus pertinent par la vacuité de certains de nos enthousiasmes récents.
Simone raconte la gestion d'une image par Viktor Taranski un réalisateur d'art et essai, en perte de vitesse. (Al Pacino est correct dans son rôle, sans être génial). Quand je dis image, c'est bien de cela qu'il s'agit. Simone (Simulation One) n'est pas une Intelligence Artificielle. Non, c'est juste une image photoshopée glorifiée (au beau rendu 3D, il faut l'accorder) à laquelle notre réalisateur fou va donner sa voix et la faire passer pour une actrice discrète et agoraphobe. Le monde des médias, puis le monde entier tombe sous le charme de cette image et la vénère à l'instar d'une déesse, et bien sûr tout le monde veut la rencontrer... On s'amuse des procédés de Viktor pour garder l'illusion vivante.
Je pense que le film est certes décevant si on s'attend à une quelconque fable sur l'intelligence artificielle et ses relations avec nous. Simone n'est pas "Her" de Spike Jonze par exemple. Là où Jonze s'intéresse à la chimie entre deux intelligences, Nichols s'intéresse à l’attraction des images.Son propos est plus vaste en fait puisqu’il s'amuse plutôt de notre fascination pour ces images créées pour nous, pour ces icônes artificielles qu'on nous fabrique et pour lesquelles nous nous enthousiasmons. Parlant à peine de technologie, Simone parle plutôt de marketing, de l'image des femmes, de notre intérêt pour le virtuel, de la consommation d'images en général...
L'idée qu'une personne qui se crée une image vide mais lisse pourrait devenir un role-model est de plus en plus plausible, et les clones du marketing sont déjà les "personnages" de nos vies, des exemples à suivre, des idéaux à atteindre. Le film de Nichols simplifie le problème, mais ni son héroïne digitale, ni son créateur qui manipule les désirs et les attentes des autres ne sont loin des réalités d'aujourd'hui. Le net nous abreuve de personnalités qui n'ont de réelles que leur intention de nous faire cliquer...
Le film est maladroit, notamment son démarrage brouillon à savant fou qui rate complètement son accroche... Al Pacino rattrape bien le coup mais des faiblesses constantes de scénario minent le film en permanence. Le côté comédique en particulier ne prend jamais vraiment... Côté tech, j'ai aimé de voir avant l'heure ces hologrammes qui depuis ont ainsi ressuscité Michael Jackson, ces images qui ont fait jouer Steve Mc Queen dans une pub, ou ajouté une scène à Star Wars. Nichols ne convainc donc pas trop et ne retrouve pas ici sa verve de "The Truman Show". il y a de bons acteurs (Katherine Keener, trop rare,Wynona Ryder peu utilisée) et la cinématographie est propre, mais cette fable, pas bête du tout en fait manque de punch. C'est quand même une soirée plutôt sympa, si vous avez l'occasion.