RRR
7.7
RRR

Film de S.S. Rajamouli (2022)

Rageur, Rythmé, Réjouissant

En France, nous connaissons principalement les cinémas français et américain, qui constituent la majeure partie de l’offre cinématographique en salles. De temps à autres, on pense à s’aventurer ailleurs quand l’occasion se présente ou que la curiosité fait son œuvre. Mais il ne semble pas exagéré de dire que l’on parle extrêmement peu du cinéma indien, pourtant plus grand producteur de films au monde ? Et ce sont des films comme RRR qui peuvent potentiellement ouvrir la voie.


En effet, à l’heure où diverses voix s’élèvent pour se plaindre de manques d’originalité ou de films marquants à notre époque, un film semble avoir marqué des esprits en 2022 : RRR. Un film dont très peu de personnes ont dû entendre parler en France faute d’une distribution en salles, et pourtant, on parle d’un vrai blockbuster tout droit venu d’Inde, et qui aurait de quoi trouver son public chez nous. Dernière réalisation de S.S. Rajamouli, déjà à la tête des deux volets de La Légende de Baahubali, diptyque épique et démesuré, RRR suit cette dynamique en nous proposant une saga d’action dans l’Inde des années 20. A l’époque, l’Inde appartient encore à l’empire britannique. L’histoire va se concentrer autour de deux personnages, Ram, officier de police implacable et à la force surhumaine, cherchant à progresser dans la hiérarchie, et Bheem, guerrier de la forêt en mission pour retrouver une petite fille de son village qui a été achetée par la femme du gouverneur. Deux destins différents qui vont s’amener à se croiser et être à l’origine d’une nouvelle amitié.


Les deux hommes sont au cœur des problématiques qui accablent l’Inde de l’époque, le racisme en tête. Brillant policier et combattant, Ram n’obtient jamais de promotion malgré son impressionnante démonstration de force au début du film. Bheem, quant à lui, rajoute à cela le contraste entre la vie dans la campagne et dans la forêt. Pourtant, il va se lier d’amitié avec une riche anglaise dont il tombe amoureux, sans pouvoir communiquer avec elle. Le film propose ainsi une première partie visant à présenter les deux protagonistes, symbolisés par le feu pour Ram et par l’eau par Bheem, tous deux mis en valeur à travers des actes héroïques et de vraies démonstrations de puissance montrant à qu’on a affaire. Amitié infaillible, combats épiques, trahisons, épreuves, loyauté : RRR combine tous les éléments d’une oeuvre épique ici grandiose et sans limites affichées.


Car nous européens avons notre vision du blockbuster, souvent calquée sur celle des américains. Mais un film comme RRR vient proposer une vision toute autre. Déjà, le cinéma asiatique trouvait d’autres manières de filmer l’action du côté de Hong Kong avec les John Woo, Ringo Lam et Johnnie To. En Inde, l’action partage les mêmes racines, allant ici au-delà en faisant souvent fi de toute forme de logique, s’inscrivant dans une forme de légende où tout est possible. Car ici peu importe le réalisme, ce qui impressionne, c’est le fait d’avoir imaginé ces scènes et chorégraphies, à user et abuser de la magie du cinéma pour rendre l’impossible possible. Surabondance d’effets, héros invincibles et implacables, déluge d’action, RRR se veut être un pur plaisir de cinéma. Et à cela s’ajoute l’aspect musical, pilier de la culture cinématographique indienne, ponctuant le film de passages chantés et dansés, à l’image de l’impressionnant concours de danse.


Tout œil néophyte sera légitimement déstabilisé par ce qu’il voit, tendant à considérer comme ridicules ces excès, ces contrastes entre sérieux et comédie, entre combats et danses enjouées, car c’est ici un archétype d’une autre vision du cinéma qui s’offre à nous. Mais c’est aussi renouer avec une forme de naïveté, un lâcher prise pour se laisser emporter par les images et la musique. Pendant trois heures, RRR déjoue toutes les lois et les probabilités, dans une démesure constante due à une générosité hors normes, donnant une vraie bouffée d’air frais.


Critique écrite pour A la Rencontre du Septième Art

JKDZ29
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Vus en 2022 : On en reprendra bien un peu et Les meilleurs films de 2022

Créée

le 3 janv. 2023

Critique lue 7 fois

1 j'aime

JKDZ29

Écrit par

Critique lue 7 fois

1

D'autres avis sur RRR

RRR
Voracinéphile
8

Cela mérite une explication...

Bon, j'ai toujours considéré le cinéma curry comme un répertoire de nanars savoureux, dont le dernier en date était Baaghi 3 (j'ai fait le sous titre français, allez-y, c'est du bon). Un cinéma...

le 19 août 2022

32 j'aime

2

RRR
abscondita
7

Deux figures de légende indienne à l'époque coloniale

RRR ou Ratham Ranam Roudhiram que l’on comprendra mieux en anglais ! Rise Roar Revolt est un film d’action indien fictionnel mettant en scène deux grandes figures historiques qui ont lutté pour...

le 20 juin 2022

22 j'aime

16

RRR
Cosmic_M
8

Le meilleur blockbuster de 2022. Ni plus. Ni moins.

Musique : iciEt c'est maintenant que tout Sens Critique se précipite sur mon compte pour me dire : "Quoi ? Un film indien meilleur blockbuster de 2022 ? Et The Batman ? Et Freaks Out ? et …Sonic 2 ...

le 26 avr. 2022

12 j'aime

7

Du même critique

The Lighthouse
JKDZ29
8

Plein phare

Dès l’annonce de sa présence à la Quinzaine des Réalisateurs cette année, The Lighthouse a figuré parmi mes immanquables de ce Festival. Certes, je n’avais pas vu The Witch, mais le simple énoncé de...

le 20 mai 2019

77 j'aime

10

Alien: Covenant
JKDZ29
7

Chronique d'une saga enlisée et d'un opus détesté

A peine est-il sorti, que je vois déjà un nombre incalculable de critiques assassines venir accabler Alien : Covenant. Après le très contesté Prometheus, Ridley Scott se serait-il encore fourvoyé ...

le 10 mai 2017

74 j'aime

17

Burning
JKDZ29
7

De la suggestion naît le doute

De récentes découvertes telles que Memoir of a Murderer et A Taxi Driver m’ont rappelé la richesse du cinéma sud-coréen et son style tout à fait particulier et attrayant. La présence de Burning dans...

le 19 mai 2018

42 j'aime

5