Raymond est un éleveur de poules un peu secret, mais bien entouré par sa famille et ses amis. Il est accompagné d’une poule, Roxane, qui le suit partout. Raymond aime son travail, mais il a aussi une passion secrète pour le théatre. Chaque jour il lit quelques pages de Cyrano de Bergerac à ses volatiles, qui l’écoutent distraitement. C’est une vie bien rodée, mais qui dérape quand la coopérative décide que ce n’est plus rentable pour elle d’accepter les oeufs de Raymond et d’autres petits agriculteurs. Pour attirer l’attention sur son sort, le discret Raymond décide de faire le “buzz”, en publiant des vidéos de lui et de ses poules reprenant du théatre. Son amateurisme est raillé, sa famille le supplie d’arrêter, Raymond s’entête.


Le premier film de Mélanie Auffret est une bonne petite réussite pour qui arrivera à passer outre un scénario si peu engageant.


Le film est un reflet de son époque, de celle de ces petits agriculteurs qui tentent de garder la tête haute malgré les difficultés. Ils produisent pour être achetés, et ne sont que le premier rouage d’une chaîne plus longue avec des intermédiaires qui tentent de prendre régulièrement de prendre toujours plus de contrôle, quitte à serrer le cou des plus fragiles. Le métier n’est pas idéalisé, le suicide est évoqué et au détour d’une scène inquiétante le consommateur sera surpris d’apprendre la durée de vie d’une poule dans ces élevages, sans espoir. Ce n'est pas Chicken Run.


Mélanie Auffret vient du milieu rural, et cela se sent. Ce n’est pas seulement le métier d’éleveur qu’elle présente, mais bien leur vie, que ce soit là où ils vivent ou dans leurs relations avec les voisins. Ceux qui, comme votre serviteur, ont quelques liens avec ce monde seront amusés de retrouver des petits détails déjà vécus et ici retrouvés comme l’importance des repas, les meubles qui ne sont pas du Ikea et autres petites touches tellement véridiques, comme ces piles de journaux entassés.


Bien sûr, pour son histoire, Mélanie Auffret romance. Peu d’éleveurs ont une poule aussi bien apprivoisée que Roxane. L’origine de cette relation n’est pas expliquée, mais elle est acceptée par tous dans le film, et le spectateur fera de même. Son comportement est celui d’une poule, mais certaines de ses réactions sont là pour amuser ou attendrir, souvent en réaction à un évènement.


Le rapport au théatre que vante le film est aussi intéressant. Raymond est maladroit avec son théatre, il le joue mal, mais qu’importe, puisqu’il l’apprécie. Aidé par une professeur bien particulière, il va se perfectionner, mais sans jamais avoir l’étoffe d’un vrai acteur. Il y a pourtant deux scènes très fortes, où les répliques déclamées feront l’écho non seulement de ce que vivent les personnages du film mais pourront trouver une résonance dans nos petits coeurs. Car ça aurait pû être la poésie, ça aurait pu être la chanson française, mais c’est le théatre dans ce film qui a été choisi. Non pas comme un sujet d’école ou un enseignement pompeux sur la beauté de cet Art, mais comme une matière où chacun peut y trouver ce qu’il cherche, pour s’évader ou se fortifier.


Tout le film est porté par une certaine justesse, qui se retrouve dans le jeu des comédiens. Guillaume de Tonquédec est le portrait craché d’un agriculteur typique, avec son visage rougi par le soleil, une économie de mots qui se complète par un regard de moins en moins serein, où la combativité et la résignation prendront place. Il est discret, mais il y a une force en lui qui ne demande qu’à sortir, ce qu’il fera maladroitement. Si certains pouvaient ne pas être convaincus par le comédien, ce rôle peut leur permettre de changer d’avis. Mais dans Roxane on trouve aussi Léa Drucker, qui joue Anne-Marie, la compagne de Raymond. Conseillère bancière, elle souffre de la misère qui sévit de plus en plus chez ses clients. Elle tentera de protéger son foyer, avec beaucoup d’amour, mais aussi de doutes. Lionel Abelanski est Poupou, son frère, un éleveur vieux garçon, une belle pépite brute, tandis que d’autres acteurs comme Kate Duchêne, Michel Jonasz ou Liliane Rovière complètent très bien ce portrait des gens de la Terre.


Le film de Mélanie Auffret est sincère, il sonne vrai malgré les petits écarts avec la réalité qu’il se permet. Nous ne sommes pas dans un documentaire, ou dans du réalisme social. Il y a le socle, et cette belle histoire, à la fois drôle et émouvante. Malgré une fin un peu trop optimiste, le film ne cache pas la détresse des agriculteurs, mais aussi toute la vie qu’il y a en eux. C’est une belle histoire, très humaine.

SimplySmackkk
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le 1 juil. 2019

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