Un film brillant, démarrant comme une étude sociale aux dehors bienveillants puis basculant au fur et à mesure vers le thriller anxiogène proprement redoutable. Petit modèle d'écriture le second long métrage de Farid Bentoumi s'inscrit dans la veine du cinéma délibératif du réalisateur iranien Asghar Farhadi, puisant dans ses enjeux scénaristiques toute la sève émotionnelle qui en résulte. En offrant le rôle principal à la classieuse Zita Hanrot le cinéaste accouche d'un film dramatiquement impeccable, la comédienne donnant la réplique à quelques-uns des acteurs les plus talentueux du cinéma français contemporain : entre un Sami Bouajila idéal en père ouvrier aguerri et timidement charismatique, une Céline Sallette étonnante en journaliste dissidente et ambigüe ainsi qu'un Olivier Gourmet décidément toujours entièrement crédible en patron faussement philanthrope le casting de Rouge fait littéralement corps avec un récit déplié de manière un rien traditionnel mais réellement efficace. C'est une très grande réussite.


Plus le film avance et plus il terrifie, accable et désespère, tant le dilemme opposant Nour ( Zita Hanrot ) à sa famille va de paire avec une gradation émotionnelle en tout point saisissante. Partant initialement d'un sujet lourd et passionnant ( ou comment les politiques se servent et de desservent des enjeux lucratifs du monde industriel à risques à des fins populaires...) Rouge montre progressivement la descente aux enfers d'une famille originellement solide et combative, en explorant par ailleurs le sensationnalisme journalistique et ses effets pervers. Film puissant ramifiant avec habileté ses divers éléments narratifs ( Bentoumi y traite énormément des possibilités et des limites morales et déontologiques de ses personnages, tout en se concentrant sur son héroïne avec une partialité non-feinte ) Rouge aurait bel et bien mérité le Prix du Meilleur Scénario du Festival de Cannes 2020... A charge de revanche pour Farid Bentoumi, qui signe avec Rouge une oeuvre à l'ambition proche de celle visée par Xavier Giannoli dans son A l'Origine une dizaine d'années plus tôt. Superbe.

stebbins
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le 20 août 2021

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