Troisième film du cinéaste Joseph Zito, spécialisé dès ses deux premiers longs-métrages (Abduction, Bloodrage) dans le thriller et l’horreur. Son troisième film The Prowler est un slasher, proposant le prologue suivant : en 1945, au retour des soldats américains, un mystérieux soldat se venge d’une fiancée qui l’a quitté pendant qu’il était au front. Ce prologue alterne de vraies images d’archives en noir et blanc du retour des soldats, puis la lettre de rupture en plein cadre, qui passe du noir et blanc à la couleur lorsque nous arrivons sur la signature de l’ex-fiancée, Rosemary, qu’elle a accompagné d’un dessin de rose. Le rouge apparaît, et la scène suivante montre le meurtre lors de la fête organisée pour ce retour. On constate, dès ce prologue, un vrai travail de mise-en-scène chez Zito, qui se confirme par la suite, avec une excellente photographie de João Fernandes.


Passé ce prologue très réussi, le film saute en 1980, et à l’occasion d’un bal de promo dans le même décor, un tueur en tenue de soldat rôde à nouveau. Pam, la fille qui a organisé le bal de promo, et qui a également écrit récemment un article sur le meurtre de 1945, va être celle qui fera face au tueur. Elle est aidée de son petit ami Mark, adjoint du shérif. Seul défaut du film, le scénario comporte de nombreux « trous » dans la logique. Ce point participe au charme du film, dans une certaine mesure, mais on peut au moins regretter le flou laissé dans la motivation du tueur qui nous ait finalement révélé. Si les scénaristes avaient travaillé ce point, le film aurait pu marquer les esprits, comme Vendredi 13 y parvient grâce au twist qui nous raconte finalement la vengeance d’une mère jamais remise de son deuil, ou Les griffes de la nuit où l’on découvre que les parents de l’héroïne sont tout aussi criminels que Freddy pour avoir participé à son exécution sans passer par la justice.


The Prowler n’a pas cette force, mais ses flous scénaristiques se marient bien au rythme du film, assez lent, comme c’était le cas dans Halloween. Zito dit d’ailleurs du scénario qu’il « avait cette ambiance étrange, onirique. Le scénario n’essayait pas d’être réaliste, il essayait d’être surréaliste ». Zito prend vraiment donc le temps de distiller le suspense dans chaque séquence pour donner cette nature onirique, cauchemardesque. Tout le film se déroule d’ailleurs en une seule nuit (prologue mis à part), comme dans Halloween. La musique, de Richard Einhorn, participe aussi grandement à la création de cette atmosphère. Pour contrebalancer avec l’atmosphère oniriques, les meurtres sont nombreux, ils interviennent tôt (dès le prologue, puis le deuxième meurtre au bout de 20 minutes), et surtout ils sont mémorables, signés aux effets spéciaux par le grand Tom Savini (Zombies, Martin, Maniac, Vendredi 13…). Joseph Zito et Tom Savini collaboreront d’ailleurs à nouveau sur le film suivant de Zito, le réussi Vendredi 13 chapitre 4. Dans The Prowler les meurtres sont à chaque fois un chef d’œuvre en soi, par le réalisme incroyable des truquages de Savini, mais aussi pour la dureté, la brutalité, de ces meurtres. On est ici presque du côté de Maniac, tant ils sont filmés froidement. Zito fait durer les plans, on sent les victimes se débattre, souffrir, jusqu’à ce que leurs yeux deviennent blancs.


Cette cruauté convient parfaitement au film, dont le tueur est un militaire. Comme dans tout vrai slasher, le tueur à cette qualité non-humaine de spectre ou de zombie dès lors qu’il porte son masque, ici un casque militaire de la WWII donc. Du côté des armes, il en a trois, une baïonnette, une fourche, un fusil à canon court. L’utilisation du look sinistre du soldat de la seconde guerre est une idée géniale, qui évoque un tueur issu d’une période sombre, venant ternir la jeunesse festive des années 80. Un visuel de tueur aussi marquant que Michael Myers, Freddy Krueger et Jason Vorhees.


Dernière qualité de The Prowler, Zito et ses scénaristes (Neal Barbera, Glenn Leopold) ont fait l’effort de créer des jeunes protagonistes assez développés et attachants. Ils ne réutilisent pas l’idée de l’héroïne vierge ou vieille fille, mais préfèrent montrer une fille active, plus souvent maligne que son petit ami flic, et raconter l’évolution de son couple à travers cette nuit d’épouvante. Il y a un jeu intéressant de jalousies entre les deux membres du couple, avec d’un côté les jalousies de Pam - quand elle voit son copain sourire à une autre fille - et les jalousies de Mark – quand il s’aperçoit que sa copine est une bien meilleure « flic » que lui. On retrouvera cette même envie de développer les relations entre deux personnages principaux au fil d’une aventure horrifique dans Vendredi 13 chapitre 4, le film suivant de Zito où les deux derniers survivants sont un enfant et sa grande sœur. The Prowler bénéficie enfin d’un bon casting pour incarner ses personnages, sans être transcendante Vicky Dawson est convaincante et elle change des Scream-Queen habituelle par son côté assez sûre d’elle, coriace. Christopher Goutman dans le rôle de son petit ami est un bon choix, sa beauté lisse créé tout de suite des doutes chez les spectateurs quant à son innocence, ce qui apporte un trouble tout hitchcockien… pas étonnant que son supérieur, le Shériff, soit joué par Farley Granger l’interprète principal de L’inconnu du Nord-Express, dernier petit détail qui me fait beaucoup aimer ce film.

BlueKey
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le 3 juin 2019

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