‘Rodéo’ est un premier film français tout à fait emballant et prometteur. En plus d’être intéressant et rythmé, le film est particulièrement bien filmé, monté et sonorisé. Il montre parfaitement la quête de sensation, de dépassement et surtout la recherche d’intégration d’une jeune marginale.


Julia vit de petites combines et voue une passion dévorante, presque animale, à la pratique de la moto. Un jour d’été, elle fait la rencontre d’une bande de motards adeptes du cross-bitume et infiltre ce milieu clandestin, constitué majoritairement de jeunes hommes. Avant qu’un accident ne fragilise sa position au sein de la bande.


Etant plutôt mauvaise langue quand je vais voir un film, j’ai commencé par ricaner à la première image du film. Je vois l’image ultra-granuleuse et la caméra portée à l’épaule tremblotante. Je me suis alors dit que j’allais voir le clicheton du drame social dans une ambiance nostalgico-arty. J’ai eu tort, car le film a été un choc pour moi, tant tout est cohérent, accompli.


J’ai été frappé par la qualité de la mise en scène qui est en adéquation avec la forme. La caméra à l’épaule que je moquais tout à l’heure permet de souligner une certaine instabilité et le malaise de l’héroïne face au monde extérieur. En revanche, quand elle roule à moto, les mouvements de caméras deviennent des travelling d’une fluidité et d’une douceur qui rythment ces courses et accompagnent la plénitude de la jeune fille. Le son est particulièrement bien travaillé. On entant les motos rugir quand elles démarrent, ronronner quand elles roulent. Lola Quivoron a vraiment su mettre en avant l’engin et le montrer sous tous ces angles, grâce à une caméra toujours bien placée.


Plus qu’une histoire de rodéos urbains et de bécanes, ‘Rodéo’ est l’histoire d’un dépassement, d’une quête de vitesse. Dans une vie où rien d’intéressant nous arrive, on roule de plus en plus vite, on braque un camion. Bref, on vit pour vivre et pour les sensations faisant fi de la police et du danger. C’est aussi l’histoire d’une intégration. Cette jeune fille qui n’a sa place nulle part, ni dans sa famille qui l’a mise à la porte, ni dans son travail. Elle trouve finalement son équilibre au sein de cette communauté qui l’accueille sans ardeur au début mais qui finit par l’adouber (en tous les cas peut-être). Et comment s’intègre-t-on ? Le film répond à cette question. En adoptant les us et la vie de ce groupe et en ne vivant que pour lui.


‘Rodéo’ est un film à l’os, sans gras. Pour des questions de budgets évidentes. Mais je crois que cela fait partie du projet artistique. Pas de fioritures, on va directement au cœur du sujet. Ainsi, on ne voit à l’écran que les personnages essentiels. Pas de figurants. Même la police, que l’on entend en fond sonore, n’apparaît pas et ce malgré les rodéos. La rigueur est également de mise dans l’écriture du scénario. Rien n’y est superflu. Pas d’histoire d’amourette interminable, pas de scènes d’engueulades avec les parents qui n’apparaissent pas non plus. Une courte scène de dispute avec le frère suffit à montrer qu’elle est seule et marginale.


Un mot tout de même sur l’actrice non-professionnelle qui interprète le rôle et qui est quasiment de tous les plans : Julie Ledrue. Elle est absolument remarquable. A la fois spontanée et profonde, elle dégage une vraie présence et imprime la pellicule avec son visage marqué comme déjà usé et son sourire un peu édenté. Loin des physiques des comédiens actuels, elle est une vraie révélation.


Noel_Astoc
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le 16 nov. 2022

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Noel_Astoc

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