Rocco
6.2
Rocco

Documentaire de Thierry Demaizière et Alban Teurlai (2016)

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Le dieu du stade, formats confondus

On a le droit d’aimer le documentaire Rocco et de souscrire à la vision de la pornographie ici défendue. À la seule condition de reconnaître, d’avoir l’honnêteté intellectuelle de reconnaître qu’il s’agit là d’un film de propagande. Que ce que font Thierry Demaizière et Alban Teurlai n’est autre chose que l’érection d’un monument à la gloire de l’acteur qui se confesse, qui décharge sa philosophie de l’existence entre deux fellations ou conseils donnés, en bon papa protecteur, à des gamines fraîchement débarquées d’Europe de l’Est.


Le point de vue du long métrage est un point de vue messianique, il part de la diabolisation apparente de son personnage pour peu à peu orchestrer sa rédemption, jusqu’à sa crucifixion. Pauvre Rocco, toujours dominé, toujours assujetti aux tensions de son zizi. Patior, passus sum. Amen. La malhonnêteté profonde du film est de subordonner l’approche documentaire et l’ambition biographique à un projet mythologique sans jamais remettre en question les actions de son héros : qu’il blesse les actrices, qu’il les brutalise, qu’il confonde pulsion de vie et pulsion de mort, pas grave, la femme est consentante après tout, non ? L’actrice est même dépeinte comme une effigie du féminisme : faire du porno, recevoir des coups, c’est un art de vie, pas juste une profession ! Preuve à l’appui, l’épouse de Rocco est d’accord, elle sait faire la part des choses, eh. Et les enfants de Rocco, pareil : le meilleur père au monde, qu’il est, Rocco. On se chamaille, on s’entraîne ensemble, on prend le petit déjeuner, tout sourire.


Mais quid des vraies questions que le film balaie d’un revers de main ? Quelles sont les motivations véritables de ces jeunes femmes encore adolescentes, sinon l’argent et le succès rapides ? Que deviennent les actrices une fois démodées ? Comme Hollywood, l’art en moins, la pornographie constitue un terrible et terrifiant mirage, un aimant qui attire à lui les rêves de gloire d’une génération qui a grandi avec la banalisation galopante des images sexuelles, la standardisation des pratiques sexuelles, le détournement des relations sexuelles sous l’influence des codes du porno. Attends attends, Rocco verse une larme, là, c’est beau ! Il se repent.


Le documentaire ne réfléchit pas mais infléchit beaucoup, compose une hagiographie complaisante et mise en scène tel un reportage pour chaînes publiques. On a l’impression d’être dans Les Dieux du stade, format calendrier religieux et format « fête des peuples » confondus.

Créée

le 3 avr. 2020

Critique lue 205 fois

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