Une rivière au Surinam. Enfants, laveuses, pêcheurs offrent un mouvement gracieux à un tableau aussi lumineux que désordonné. Tableau car Ben Russell, qui a vécu deux ans sur cette rivière, filme (en metteur en scène, puisque si tout semble naturel, tout est pourtant écrit et dirigé) ces rites en un seul plan séquence de douze minutes et par une simple idée de cinéma complètement inattendue, va en bousculer la beauté et la simplicité de cette baignade collective pour la transformer en danse merveilleuse.


  Au départ, ces douze minutes devaient entrer dans un projet de long métrage. Mais l’énergie qui s’en dégageait différait, Ben Russell préféra les isoler pour en faire un essai à part entière. La découverte d’un film de Maya Deren (Divine horsmen, 1985) lui donna l’idée de renverser la temporalité, afin de créer une musicalité toute singulière et à contrecourant. Si l’observation pure aurait relevé du documentaire, l’inversion de sa temporalité crée une danse, une douce chorégraphie, puisque ces mouvements si triviaux normalement ne le sont plus. En effet, c’est comme si Jean Rouch avait rencontré Maya Deren, comme si le cinéma purement ethnographique avait fusionné avec le cinéma expérimental, le réel avec l’étrange.
C’est en voyant une vidéo Snapchat utilisant le même procédé que j’ai repensé à River Rites, je l’avais vu lors de sa sortie, mais ça m’a fait plaisir de le revoir. A l’époque j’avais été marqué par l’utilisation musicale (ça ressemble à une envolée grasse d’Oren Ambarchi) mais aujourd’hui, curieusement, je l’enlèverais, préférant la musicalité bizarre offerte par le cours d’eau, les plongeons (qui deviennent des aspirations) et les voix confuses (puisque la sonorité aussi est inversée) des enfants. Qu’importe, c’est toujours très beau.
JanosValuska
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le 6 juil. 2018

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