Révélations est le genre de films qui pourrait être rapidement casse gueule, pouvant tomber facilement dans un duel manichéen faussement dénonciateur sur le système des lobbys dans cet univers de magouilles politiques. Mais c’est sans compter sur Michael Mann qui construit sa trame narrative de façon linéaire mais jamais de manière simpliste, faisant doucement mais surement monter Révélations en tension, façonnant les enjeux au fil des minutes, où une simple source journalistique, venant d’être virée par une firme de tabac, devient l’homme à abattre, l’homme qu’il faut faire taire. L’œuvre de Michael Mann a cette grande force d’être maîtrisée jusqu’aux bouts des ongles.

Entre ce personnage de journaliste qui ne lâche rien, presque iconisé en défenseur de la liberté d’expression, entre ce comptable viré qui ne comprend pas directement les mécanismes de cette jungle médiatique qui aura raison de sa famille, puis entre l’industrie du tabac qui essayera tous les stratagèmes juridiques ou même psychologiques pour ne pas perdre la face et faire dégoupiller cet homme, Révélations est méné tambour battant. Donc bien évidemment, ce film ultra documenté nous engouffre de façon passionnante dans cet univers médiatico politique, avec tout cet engrenage de la dénonciation des lobbys, des risques encourus, des pressions sur la justice, sur les journalistes, entre coups bas, et coups d’avance.

Révélations est porté par des acteurs au charisme terrassant, un Al Pacino nerveux et un Russell Crowe à la fois patibulaire et névrotique, par ce scénario sans accrocs, qui tout de même, n’est pas ultra révolutionnaire pour autant, mais c’est avant tout Michael Mann, qui dans comme Heat, livre un travail visuel impressionnant et qui met l’humain au centre de son histoire. Il y a un maîtrise formelle de tous les instants avec une photographie magnifique, un montage palpitant qui nous tient en haleine jusqu’à la dernière seconde. Le film va vite, très vite, est en total état d’urgence.

Malgré ce bloc visuel et narratif impressionnant de puissance, Michael Mann arrive comme dans Collateral, à capter toutes les émotions dramatiques et humaines de ses personnages, durant des impressionnantes scènes presque contemplatives, avec un jeu de lumière saisissant, captant toutes les nuances des décors citadins, notamment dans des moments nocturnes qu’affectionne le réalisateur. Le but de Révélations n’est pas de dénoncer mais de faire un film humain, de propulser le film d’enquête dans le genre de la tragédie. Les dialogues sont nombreux et parfois pas toujours évidents à comprendre pour assimiler toutes les étapes logiques liant toutes les manipulations.

C’est ça qui est sans doute le plus saisissant dans le film de Mann, c’est cette volonté de faire un film politique qui pourrait avoir une ampleur universelle, mais de le tourner d’une telle façon qu’au final , on se retrouve devant un long métrage qui sait parler de ces hommes et femmes, de voir comment tout ce mécanisme dévorant peut avoir des conséquences sur l’individu en lui-même, à l’image de la paranoïa naissante et grandissante de Jeffrey Wigand. C’est jamais froid, ça nous embarque dans l’intimité la plus dure à accepter dans ces moments de doutes, c’est passionnant à suivre, ce jeu poker, ce bluff perpétuel pour prendre la main sur son adversaire, sa maîtrise visuelle, mais ce n’est pas que ça.

Michael Mann ne tombe jamais dans la facilité, ni dans le pathos larmoyant, mais reste toujours poignant. Puis difficile de parler de Révélations, sans mentionner, la bande son, qui est omniprésente mais jamais énervante, et qui appuie le coté tragique de la chose. Grace à son travail d’orfèvre au niveau de sa réalisation, Mann fluidifie et magnifie un script à la densité descriptive et émotive passionnante.
Velvetman
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le 8 févr. 2015

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