Festival de Cannes, 16 mai 1971, Ted Kotcheff se pointe à la projection de son film, Wake in Fright avec un léger retard. Il s'installe dans le rang réservé à l'équipe du film et attend fébrilement que les lumières s'éteignent. Quelques minutes après le générique de début, il entend une voix dans son dos. Un mec s'est assis juste derrière lui et commente le film, il n'arrête pas de répéter : "Wow, c'est génial, wow, c'est fou". Au moment d'une scène plutôt "cocasse" (no spoil), il disait : "Non il ne va pas oser quand même ! Ah génial, il a osé !" A la sortie de la projection, Ted Kotcheff veut connaître le nom de ce fan fraîchement acquis. Son agent lui explique que c'est personne, juste un jeune cinéaste qui a sorti un premier film merdique. C'était Martin Scorcese.

Quarante ans plus tard, ce jeune cinéaste sans importance se révélera devenir l'un des plus grands auteurs américains et sa première intuition s'est depuis largement vérifiée: Wake in Fright est bel et bien ce film fou et génial.
Ce film australien à la limite du documentaire ethnographique et de la fiction la plus délirante, sublime vestige underground des années 70, a failli disparaître à jamais jusqu'à ce que les bobines soient retrouvées et restaurées. Il était jusque-là considéré comme une rumeur, un film secret, les cinéphiles en parlent sans en avoir vu une scène mais connaissent quelques anecdotes de tournage qui méritent à elles seules un scénario. Wake in Fright est pourtant un acte fondateur du cinéma moderne australien.
Un journaliste australien, Kenneth Cook, publie en 1961 un livre quasiment autobiographique qui sera le point de départ du film. Il raconte l'histoire d'un enseignant snob originaire de Sydney qui se retrouve piégé en plein coeur de l'outback sans argent ni échappatoire, dans une ville isolée de la civilisation peuplée de paysans arriérés et alcooliques (entre autres)...
Ce film complètement barré accumule des scènes de violence d'une brutalité souvent dérangeante parfois drôle, c'est un film noir complètement nihiliste cherchant à montrer la réalité de l'outback australien à cette époque. Les hommes agissent comme des animaux, l'alcool tue l'ennui, la chasse est le loisir de prédilection et les femmes sont quasiment inexistantes. Un environnement isolé et hostile qui ne laisse pas indifférent.
Plus qu'une simple critique des rednecks australiens, Wake in Fright est une plongée radicale dans le mal, l'oeuvre un peu tordue d'un cinéaste que l'on sent fasciné par la sauvagerie primitive.
chrissethom
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le 18 déc. 2014

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