Je suis allée voir hier soir Reste un peu de Gad Elmaleh, un film sur son parcours de conversion au catholicisme. Ce film était délicat à faire : déjà parce que c'est autobiographique, ensuite en raison du sujet traité (c'est toujours difficile de parler de religions) et enfin en raison de la forme (Gad a choisi de faire jouer à ses proches leurs propres rôles). Eu égard à tous ces pièges, il me semble que le film est réussi, même s'il y a quelques petites choses qui auraient pu être mieux faites à mon sens.

Tout d'abord, la gestion de la frontière entre réalité et fiction m'a semblé bien gérée. C'est servi par une réalisation qui a sûrement été très réfléchie (le rythme par exemple est super bien géré, et la musique d'Ibrahim Maalouf est parfaite) mais qui en surface apparaît super sobre. La manière de jouer aussi est simple. On ne sait pas exactement comment ses proches ont vécu de faire partie de ce film, mais en tout cas à l'écran ça rend bien. Typiquement ses parents restent très naturels, on sent qu'ils n'ont pas été forcés à "jouer la comédie", et en même temps ça passe bien à la caméra.

Avec le recul, je trouve vraiment très touchant qu'il ait fait jouer sa propre famille, ça devait être une sacrée aventure pour eux. Et c'est assez puissant en tant que spectateur car la réalité et la fiction se répondent : dans le film, il fallait un amour familial et amical immense pour que les proches acceptent d'assister au baptême même s'ils souffrent de la démarche, et dans la vraie vie il fallait sûrement aussi beaucoup d'amour entre eux pour faire ce film ensemble.

Dans ce film, on réussit à parler de religion simplement. Gad peut parler de Dieu dans un magasin de chaussures avec son accompagnante de parcours d'initiation par exemple (ce que je trouve assez réaliste), il peut parler de ses doutes, de ses galères avec Jésus etc. Et puis Gad ne complique pas ses motivations, il parle juste de son ressenti avec la Vierge Marie, c'est très émotionnel, difficile à expliquer. Là aussi je trouve que ça sonne juste : chaque catéchumène a des raisons qui lui sont propres de vouloir se faire baptiser, c'est parfois très intellectualisé, parfois très émotionnel, parfois un événement singulier dans la vie, ou encore une rencontre… Bref, Gad se sent proche de la Vierge Marie, ok, il n'y pas besoin de plus. Cela ne veut pas dire que c'est simple, mais ça veut dire qu'on peut en parler quand même, même si soi-même on ne comprend pas tout.

Ce que je trouve cool par ailleurs, c'est qu'il réussit à la fois à parler de tout ça avec beaucoup de simplicité et en même temps il trouve le moyen de montrer l'immense complexité que ça recouvre. J'ai bien aimé qu'il donne la parole à Delphine Horvilleur (femme rabbin française appartenant à l'organisation juive libérale Judaïsme en mouvement), qu'on écouterait des heures.

Il y a deux choses que je trouve moins réussies toutefois. Tout d'abord j'aurais aimé avoir les moyens de ressentir une plus grande empathie avec sa famille, de mieux comprendre leur détresse. Comme la focalisation reste centrée sur Gad, il peut être difficile de vraiment comprendre la réaction des parents et de sa sœur, en particulier si on est athée. Il aurait été intéressant de trouver une solution scénaristique ou de focalisation pour comprendre intimement en quoi c'est déchirant pour eux.

Le deuxième point qui aurait pu être mieux réalisé selon moi c'est la présentation du parcours d'initiation. Pour quelqu'un qui ne sait pas comment ça se passe, on peut avoir l'impression que c'est un parcours assez solitaire. Bon certes on voit quand même qu'il a une accompagnante, et il fait une rencontre touchante à l'église avec une voisine qui prend un rôle de guide pour lui. Mais sinon on le sent très seul dans son chemin : il est seul lors de sa retraite, et il semble rencontrer les autres catéchumènes de Boulogne pour la première fois une semaine avant le premier scrutin, ce qui est tout simplement impossible pour le coup. En gros, pour se faire baptiser adulte, les catéchumènes suivent un parcours collectif de deux années, avec les autres catéchumènes de leur paroisse. Les rencontres sont très fréquentes et ne consistent pas seulement à lire des textes mais aussi et surtout à s'écouter les uns les autres et à cheminer ensemble. La solitude qui semble être celle du parcours de Gad est donc l'élément du film qui est le moins réaliste à mon sens. Mais je peux comprendre qu'il ait voulu montrer à quel point il se sentait seul dans cette démarche étant donné que ses proches ne l'acceptaient pas.

Pour terminer, j'ai bien aimé la fin du film. Il n'y a pas de grande réponse, pas d'explications compliquées, juste un choix qui est fait intérieurement, qu'on ne peut pas atteindre vraiment, que Gad lui-même ne maîtrise sûrement pas très bien.

Prince-Mychkine
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le 29 nov. 2022

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Prince-Mychkine

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