Une claque impressionnante : bienvenue au pays des rêves !

Cher Steven,


Merci. Mille mercis.


Dans un paysage cinématographique actuel devenu quelque peu aseptisé, notamment au regard de blockbusters n'évitant pas une certaine vacuité, votre "Ready Player One" nous fait un bien fou.


Cela faisait bien des mois et des mois que je n'avais pas vu un tel spectacle (mon dernier 10/10 remontant à "Birdman" en 2015). Je ne suis pourtant pas un spectateur compliqué mais il est vrai que je suis sans cesse à la recherche de l’œuvre unique, du film qui va se démarquer de ses compères. "Ready Player One" est exactement ce que je veux voir au cinéma.



♫ Un spectacle sensoriel unique ♫



En 2045, la Terre n'est plus aussi joyeuse : famine, crise énergétique et changement climatique (fallait pas voter Donald en même temps) ont poussé la population mondiale à se désintéresser de la réalité. Grâce à un jeu de réalité virtuelle interconnecté (l'OASIS) créé par James Halliday (Mark Rylance), des millions de personnes ont l'occasion d'échapper à leur quotidien peu reluisant. Au moment de sa mort, Halliday, l'homme le plus riche du monde, lance un défi aux utilisateurs de l'OASIS. Quiconque retrouvera les trois clefs permettant de mettre la main sur un Easter Egg caché au sein du jeu, deviendra propriétaire de l'OASIS : la course contre la montre a commencé !


C'est ainsi que l'on découvre notre héros Wade Owen Watts (Tye Sheridan), alias Parzival dans l'OASIS, avec une fabuleuse scène d'ouverture qui me semble être un travelling de haut en bas, montrant Wade sortant de sa caravane pour rejoindre la terre ferme. D'étage en étage, les voisins de Wade nous sont présentés : cachés derrière leur casque de réalité virtuelle, ils sont totalement déconnectés de la réalité, voire zombifiés. Dès lors, le rapprochement avec notre époque actuelle ne se fait pas prier. Quid des ados adulant les émissions de télé-réalité.


Il ne faudra ensuite pas bien longtemps avant de pénétrer dans le vif du sujet, c'est-à-dire avant d'entrer dans l'OASIS. Pour cela, imaginez un monde où vous pouvez être qui vous voulez. Imaginez un monde où vous pouvez faire ce que vous voulez. Imaginez un monde où la seule limite est celle de votre imagination. Bienvenue au sein de l'OASIS.


Du haut de ses 71 printemps, le réalisateur américain Steven Spielberg prend le parti pris de faire de son film une œuvre se déroulant dans deux dimensions. La première étant le Columbus appauvri de 2045 (évocation d'un monde dystopique), la seconde étant l'échappatoire virtuel créé par Halliday. La réunion de ces deux univers rend le film totalement unique en son genre, "Ready Player One" étant à la fois un film de SF et une immense partie de jeu-vidéo. C'est aussi l'occasion d'offrir aux spectateurs deux types d'effets spéciaux tout en optant pour une singularité dans la photographie, jouant entre le bleu et le violet. La cohérence entre le script et les images est donc parfaite, les tons adoptés étant électrisants : ce sont les couleurs du rêve. N'attend-t-on pas d'un film qu'il nous fasse rêver ?


"Ready Player One" c'est aussi et avant tout une immense course-poursuite. Véritable ode à l'amitié et à l'entre-aide, ce long-métrage présente des protagonistes (Parzival et ses amis gamers) qui ont bien l'intention de mettre la main sur l'Easter Egg. Seulement, ils ne sont pas les seuls. En effet, le sans-pitié Nolan Sorrento (Ben Mendelsohn), archétype-même de l'antagoniste cupide, va user de tous les moyens pour gagner la partie. Quant à nous spectateurs, on se prend à chercher les Easter Eggs que Steven Spielberg a caché dans son film, ce qui nous permet à nous aussi de devenir des personnages du récit.


La confrontation de deux mondes est donc brillamment évoquée en filigrane. D'un côté, on trouve les joueurs qui sont passionnés, pour qui la solidarité est une valeur qui a une certaine signification. D'un autre côté, on a le monde de l'actionnariat, pour qui seul le profit compte. Et au milieu de tout cela se trouve une distillation de références issues du cinéma et de la culture populaire. "Jurassic Park", "King Kong", "Godzilla", "Star Wars", "Shining", "Batman", "Terminator", "Retour vers le futur", "Alien" et j'en passe sont évoqués, voire même montrés. "Ready Player One" se veut donc comme un véritable hommage à la pop-culture ... incroyable pour un réalisateur de 71 ans. Steven Spielberg a vraiment gardé l'âme de ses 20 ans.


Concernant la structure du film, elle est en elle-même pas vraiment différente de certains films du genre. En cela, je veux dire qu'il n'y a pas nécessairement la présence de twists toutes les cinq minutes. Pour autant, le sujet principal (la réalité virtuelle) est extrêmement bien développé ... dans leur script, les scénaristes Ernest Cline et Zak Penn évoquent les bienfaits (développement d'un esprit de solidarité, développement de l'imagination) et les limites (déconnexion de la réalité) d'une telle entreprise. On a même droit à de l'inattendu :


Steven Spielberg a carrément recréé tout un pan de "Shining" de Stanley Kubrick pour les besoins du film. Nous sommes donc plongés de manière surprenante au sein de l'Overlook puisque les personnages entrent carrément dans la cassette du film. OH MY LORD !


Pour ma part, j'ai également bien apprécié le développement des personnages. Tye Sheridan incarne un héros de rébellion, métaphore de l'élu. Sa jeunesse et sa fougue, ses maladresses et ses rêves rendent son avatar plus humain encore qu'il ne l'est. En totale opposition, Ben Mendelsohn campe un criminel en col blanc d'une froideur étincelante. Son visage fermé, presque monolithique, contribue à renforcer la tension du récit. C'est exactement le genre de méchant que j'aime car il a beau porter un costume-cravate, être propre sur lui, on ne sait jamais ce qu'il va nous réserver. D'un autre côté, on trouve aussi un Mark Rylance fabuleux, avec son regard mélancolique. Et n'oublions pas non plus l'envoûtante Hannah John-Kamen, pas forcément très présente, mais qui joue bien son rôle d'antagoniste combative (on aura l'occasion de la revoir cette année dans "Ant-Man and the Wasp").


Par ailleurs, outre des thèmes universels comme l'amitié et la solidarité, présents dans tellement de films, "Ready Player One" développe surtout celui de la persévérance. L'idée qu'il ne faut jamais renoncer à accomplir ce que l'on croit être juste, voilà l'un des messages du film. Eh pourtant les tentations sont fortes. Preuve à l'appui sont les multiples tentatives de Nolan pour corrompre Wade. Mais ce dernier a bien compris qu'il n'y a que la réalité qui est réelle (pour reprendre l'une de ses répliques). Son développement tout le long du film est vraiment pertinent : outre la recherche de l'Easter Egg, Wade, orphelin, est en quête de la figure paternelle. C'est par les enseignements implicites d'Halliday qu'il gagne en maturité d'aventure en aventure.


J'en arrive maintenant aux mots de la fin ... "Ready Player One" est un jolie claque me concernant, tant sur le fond que sur la forme. Steven Spielberg ose nous proposer dans un même film un récit dystopique, une immense partie de jeu-vidéo ainsi que des courses-poursuites et des scènes d'action. Et il n'oublie jamais d'être fun en permanence. C'est ainsi que ce long-métrage ne perd jamais en intensité. Le sujet est très bien développé et le réalisateur sait le rendre intéressant, même pour les non initiés. Son secret ? Très certainement la présence d'Easter Eggs qu'il a lui-même cachés dans son propre film. On reconnait là la patte d'un artiste inarrêtable !


MAGNIFIQUE !

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le 1 avr. 2018

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MDCZJ

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