Si l'on a compris qu'il ne faut pas se laisser abuser par la beauté de l'affiche, on peut se lancer dans Rape Zombie et profiter de ses qualités.
Celles-ci ne se trouveront pas dans la mise en scène, ni dans la qualité des effets spéciaux. La caméra tremble, tourne, zoom, sans doute pour dissimuler le manque de moyens. Les maquillages sont un peu grossiers, le sang parfois numérique, tout comme les explosions (et pourtant, ce genre de films continue de nous gratifier d'explosions malgré leur laideur visuelle sans nom). On n'appréciera sans doute pas non plus le manque de variété des décors : le film se déroule principalement en huis-clos !
Quant au jeu des acteurs... une chance ici : il y a principalement des actrices, et les actrices de ce genre de films ont tendance à se prendre au sérieux, contrairement aux hommes qui sont toujours dans un paradigme parodique.


Les qualités, donc, se trouveront principalement dans les idées scénaristiques, qui déconstruisent le film de zombi tout en lui conférant une nouvelle dimension de critique sociétale. On a souvent applaudi Romero pour cela : le film de zombi était plus qu'un simple film d'horreur. Il avait toujours un message à faire passer. On a pu retrouver cela dans la plupart de ses films, mais aussi dans ceux des années 2000, ou même dans la série The Walking Dead.
Eh bien Rape Zombie a son propre message, dans sa critique de la place de la femme dans la société machiste japonaise.
Ce n'est pas forcément original, mais la cohérence du concept est à saluer car elle participe à offrir une vision post-moderne du zombi : le zombi avance lentement... oui, mais pourquoi ? Parce qu'il marche avec le pantalon baissé ! Il n'est pas dangereux seul mais en groupe, symbole de l'oppression machiste étouffant les femmes, qui dans les cas extrêmes dépeints ici, se retrouvent réduites à l'état d'objets sexuels violés par des hordes d'hommes enragés.
Le zombi est décérébré. Pourquoi ? Parce que l'homme pense avec sa b*** ! Ainsi, les zombis ne cherchent pas à manger des cerveaux, mais à pénétrer, pénétrer, pénétrer. Corollaire : ce n'est pas en détruisant le cerveau du zombi qu'on le tue, mais en lui tranchant le sexe.
Enfin, la morsure contagieuse du zombi est ici remplacée par la toxicité de son sperme. Vous imaginez quels types de dialogues remplacent les traditionnels "Est-ce que tu as été mordue ?" "Non, ça n'a pas traversé mon cuir..."
D'autres idées propres à la culture japonaise ne manquent pas d'intérêt, comme le fait que l'otaku se révèle inoffensif et immunisé au virus car immature et dénué de réelle sexualité. D'une certaine manière, il reste pur et innocent.


Ainsi, lorsque l'on prend du recul, toutes ces trouvailles se révèlent assez savoureuses, d'autant qu'elles sont entourées d'une multitudes de petites réflexions (traitant de sujets allant de l'écologie au mysticisme chrétien, en passant par la géopolitique actuelle), qui naviguent aux confins du n'importe quoi tout en conservant une certaine cohérence.


Le manque de moyens, cependant, impose sans doute un certain ton comique dans le traitement, car il vaut mieux être ridicule en affichant son auto-dérision qu'en paraissant prétentieux. Pourtant, on aimerait parfois voir de tels sujets traités avec le sérieux de cinéphiles passionnés. Allier gore, violence, zombis et héroïnes sexy tout en laissant de côté la parodie et les effets cheap, ça pourrait un jour donner un cocktail culte et explosif.

ycatlow
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le 15 mai 2016

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