Quintet
5.3
Quintet

Film de Robert Altman (1979)

Je reviens enfin à la catégorie de films que je préfère entre tous, à regarder bien sûr, et à critiquer, car aucune utilité ne se dégage de l’emphase de tous ces points sur lesquels un film nous endort ou nous ennuie.

Quintet donc, un film sûrement écrit par un insomniaque pour lutter contre ce mal, ou par un génie maléfique afin d’asservir par du vide ressassé tous les malheureux spectateurs. «Mais, mais, Robert Altman, me dit-on, l’a fait, réalisateur reconnu, me dit-on, et c’est avec Paul Newman, un acteur fameux également». Je dois avouer que ces noms n’évoquent rien pour moi, inculte à lapider à coups de DVD légaux de classiques, cependant je n’ai aucune peine à comprendre que ce n’est pas là leur meilleure œuvre... Je comprends également pourquoi ce film n’est guère réputé; mais il mérite l’oubli...

Dans un monde gelé et mourant, un chasseur de phoques, Essex, revient du sud parce qu’il n’y a plus de phoques à chasser, pour retrouver son frère qu’il a laissé une dizaine d’année plus tôt dans une grande ville, une des dernières de l’humanité. Mais Essex n’est point seul, et se trimballe sa femme enceinte, Vivia (beaucoup plus jeune la femme); je dis «trimballe» parce qu’elle est un peu casse-couilles et pas très mature (mais nous avons sûrement ici le bon vieux couple éraste/éramène, que les Grecs anciens affectionnaient tant... mais je divague). Il revient donc, et trouve la ville bien en piteux état, le système central ne fonctionne plus, tout gèle, l’abandon ronge peu à peu l’espoir de renaissance. Et les hommes sont absorbés — car rien d’autre ne reste à faire — par un jeu représentant la vie, le Quintet (et non le Quinté, même si, en forçant un peu, celui-ci pourrait lui aussi représenter quelque chose, une certaine classe de population par exemple, m’enfin...), ressemblant au backgammon mais en plus élaboré. Parfois, les bons joueurs sont sélectionnés pour les tournois de Quintet: c’est le cas du frère d’Essex, quand il est trouvé par ce dernier. Essex est invité, avec sa si jeune Vivia, à partager donc le foyer du frère, jusqu’à ce qu’il l’envoie chercher du bois (ouais je sais, l’histoire pue, mais il faut s’habituer, ça ne différera pas ensuite), pendant que Vivia reste avec la famille jouer au Quintet (ça doit être si passionnant). Donc, quand Essex est au point d’acheter du bois, il voit une explosion dans l’appartement du frère, et s’y précipite; sur place il trouve les cadavres de tout le monde. Bref, il pleure un peu, et aperçoit l’assassin, un moustachu hyper suspect, et le talonne dans une course-poursuite des plus molles que j’ai jamais vues. À un moment, Essex est dans une salle avec une décoration moche (le film a été tourné à une Exposition universelle d’art ou un truc du genre, donc on bénéficie des merveilleuses trouvailles des artistes de l’époque), et il regarde autour, et là l’assassin, qui est derrière lui, se fait égorger comme une merde. Juste quand le héros ne le voit pas. Essex trouve une liste de 6 noms sur le cadavre, comportant son frère. Et là... tout part en couille. Encore plus. Car alors que jusqu’ici une ligne directrice se dessine plus ou moins, frère et femme tués, vengeance, découverte de vérité à propos du Quintet, à partir de là en revanche, ce ne sera plus qu’une succession de scènes d’enquête qui n’avancent pas, de scènes incongrues à propos de candidats (car sur la liste étaient ceux choisis pour le tournoi de Quintet) qui meurent un par un stupidement, de la philosophie absolument creuse, avec de la romance à se rouler les yeux de platitude, des dialogues vides, des références vagues à l’universalité du Quintet (auquel on ne joue plus durant la seconde moitié du film, un comble), du mauvais latin, des décors divers (chambres gelées, couloirs gelés, bars gelés, structures de l’Exposition universelle gelées, chiens non pas gelés mais dévorant des cadavres gelés (et d’ailleurs des chiens les plus aptes à résister au froid, c’est-à-dire des rottweilers...), rivière avec des bout gelés dedans, et une plaine gelée à la fin), et des costumes moyenâgeux.

Le tout sur fond d’intrigue dont on s’en fout et de personnages ridicules qui ne provoquent aucune empathie. J’étais prêt à abandonner le film, vu son inanité.

En plus, la caméra est constamment flouée aux contours pour rendre l’effet du froid. Constamment. Même quand certains détails s’y trouvent. Géniale résolution? Malgré tout l’effort, que je trouve remarquable, pour rendre le froid (probablement plateaux refroidis coûteusement, avec toute la logistique supposée), le réalisateur a dû recourir à un effet aussi cheap? Pourquoi? Quand je vois la buée toujours sortir de la bouche des acteurs, merci, je peux le comprendre moi-même que c’est froid (comparer la réussite d’ambiance du film The Grey avec Liam Neeson).

Ah oui, et la musique est abominable, c’est une cacophonie n’exprimant absolument rien.

Je résume donc. Les autres critiques ici présentes ont loué l’ambiance du film et son étrangeté, mais moi, je ne vois ni ambiance ni étrangeté, le film parvient à peine à faire croire que le monde est mourant, alors pour tout le reste... Les acteurs surjouent pour la plupart, mais quoi qu’ils fassent, leurs personnages sont pitoyables et n’ont aucune dynamique intéressante. Les références «philosophiques» (car nous avons sans doute affaire à un film d’auteur, inclinez-vous) se perdent dans le vide et ne laissent qu’à réfléchir sur la présence d’un message à décrypter ou au moins d’un intérêt à avoir.

À mon avis, si message y est, le réalisateur seul pourrait y accéder. S’il n’avait pas la flemme.
Owen_Flawers
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le 24 janv. 2014

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Owen_Flawers

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