Préambule pour éviter tout malentendu, ce film n’est pas une enquête sur la mort d’un jeune faon. Bambi est le surnom attribué par le docteur Philippe (Laurent Lucas) à Isabelle (Sophie Quinton) une jeune élève infirmière. Le docteur Philippe est chirurgien dans l’hôpital où Isabelle apprend le métier. Ce surnom de Bambi est dû à un évanouissement inattendu d’Isabelle en présence du docteur Philippe dans un ascenseur. C’est aussi le moment où ils font connaissance et où le docteur Philippe établit une relation trouble vis-à-vis d’elle. Plutôt grand, belle stature et visage carré, le docteur Philippe en impose tout étant rassurant quand il le faut. Là, il secourt Isabelle et lui conseille l’examen médical approprié. Mais il la regarde également d’un air supérieur en lui disant qu’elle est comme Bambi, puisqu’elle ne tient pas sur ses jambes.

Isabelle cherche à bien faire pour mériter son futur statut d’infirmière. Elle manque un peu d’assurance, bien que sa cousine Véronique (Catherine Jacob) l’ait prise sous son aile protectrice. Repoussée par le docteur Philippe, Isabelle est partie pour une gentille histoire d’amour avec un brancardier. Mais la présence du docteur Philippe la met mal à l’aise. Il faut dire que celui-ci a le chic pour apparaître aux moments inattendus et pour trainer derrière une porte, une tenture. Il revient même à l’hôpital certains soirs à des horaires inattendus et Isabelle le découvre auprès d’une jeune patiente endormie. Le spectateur vient d’observer le docteur Philippe apparemment familier avec cette patiente.

En dépit de quelques imperfections, ce premier film de Gilles Marchand est à mon sens une réussite. Réussite formelle surtout, car le lieu montré et utilisé permet de créer une réelle ambiance bien particulière. L’hôpital est un gros bloc de béton posé au milieu d’un champ comme un champignon qui aurait poussé dans la nuit. L’intérieur est ultramoderne, les couloirs (souvent déserts) sont d’une propreté éclatante et le matériel est flambant neuf. On observe même des robots transporteurs d’armoires. Tout est nickel mais d’une incroyable froideur. Le blanc domine tellement qu’il met mal à l’aise. Oui, tout le monde se veut rassurant. N’empêche que les malades préféreraient éviter l’opération. Quant aux médecins, chirurgiens et infirmières, ils sont sous tension car ils ont la vie de leurs patients entre leurs mains. La peur de mal faire est manifeste. Un mauvais dosage lors d’une anesthésie peut avoir de lourdes conséquences.

La bande-son crée également un climat étonnant, car elle est relativement discrète, mettant le spectateur en situation d’angoisse souvent diffuse. Je pense que c’est ce qui peut dérouter dans ce film. En effet, ce film est difficile à classer dans un genre précis. C’est une sorte de thriller où on ne sait pas trop de quoi ou de qui se méfier. Le film ne cherche jamais les effets chocs qui pourraient le classer dans le genre horreur. Le docteur Philippe est très sûr de lui et il joue bien évidemment de sa position de médecin reconnu vis-à-vis de l’apprentie infirmière, mais on a du mal à réaliser quelles sont ses visées. Il finit par dire à Isabelle qu’elle n’a rien compris. En effet, même mis en situation délicate, il affiche toujours un incroyable ascendant sur elle. Le risque est que le spectateur non plus n’ait rien compris ou qu’il décide qu’il n’y a pas grand-chose à comprendre.

La tension ne se relâche jamais, mais le spectateur est balloté entre des séquences apparemment anodines de la vie à l’hôpital et d’autres dont on réalise tardivement l’importance. Ainsi, les infirmières et élèves ont un moment de délire à propos de la façon dont chacun regarde ses ongles. C’est l’occasion de voir la toute jeune Valérie Donzelli se faire remballer sans ménagement par le docteur Philippe. Est-ce un hasard si, un peu plus tard, lors d’une soirée en boîte, on remarque Jérémie Elkaïm en figurant qui s’agite avec les autres ? Cette soirée se finit par une situation très bizarre où Isabelle est censée se faire raconter un rêve par le docteur Philippe devant ses jeunes collègues qui gloussent à chaque progression. Isabelle doit poser des questions de façon à ce que le docteur puisse y répondre par oui ou par non. La conclusion est telle que cela fait penser à un jeu surréaliste dont on ne comprend l’importance qu’après coup.

Autant dire que lors de sa sortie, la fin m’avait laissé perplexe. Probablement concoctée à deux (Gilles Marchand avec son complice Dominik Moll crédité de conseiller), cette fin constitue une sorte de pirouette permettant de conclure une histoire un peu tordue. Avec un peu de réflexion, je trouve qu’elle colle avec le côté surréaliste de l’histoire racontée par le docteur Philippe à la fin de la soirée en boîte.

J’ai trouvé tous les rôles principaux convaincants. Sophie Quinton est très bien en élève infirmière cherchant à s’affirmer malgré des craintes légitimes. Laurent Lucas cultive l’ambiguité et Catherine Jacob est parfaitement crédible en infirmière familière du milieu hospitalier. Elle n’a aucun doute quant à ce qu’il convient de faire et penser.

Gilles Marchand réussit à créer une ambiance étrange. Son film a surpris, peut-être un peu trop. Le titre à double sens peut agacer et laisser le spectateur sur sa faim. En ce qui me concerne, j’ai apprécié cet univers et ces personnages. Un film qui m’a à nouveau captivé pendant deux heures. Il est trop souvent de bon ton de taper sur le cinéma français pour ne pas apprécier un film qui sort des sentiers battus. On sort ici de la catégorie des objets de consommation courante et c’est tant mieux.
Electron
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le 1 avr. 2013

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