Quand souffle le vent
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Quand souffle le vent

Long-métrage d'animation de Jimmy T. Murakami (1986)

Bon, peut-être que le 31 décembre n'était pas la date idéale pour ce visionnage. Mais j'ai des circonstances atténuantes. When The Wind Blows était sur ma watchlist depuis 6 ou 7 ans. Bien avant de le voir, j'avais eu l'occasion de découvrir le roman graphique original via un audiobook sur YouTube, amateur, mais très qualitatif. À Noël, ma tante me l'avait offert au format papier. Je l'avais donc relu, et commandé le blu-ray du BFI dans la foulée. Il devait arriver le 2 janvier, il a eu un peu d'avance. Je n'ai pas pu m'en empêcher. Le roman graphique m'avait bien retourné l'estomac lors de ma découverte sur YouTube, mais ma relecture avait été moins éprouvante. Je me disais que c'était le bon moment. Donc, le 31, dans l'après-midi, je me lance. C'était pas l'idée du siècle.


Je vous le pitch "vite" fait, sans spoil au départ. Nous sommes dans la campagne anglaise, dans les années 1980. En pleine guerre froide donc. Jim et Hilda sont un couple de retraités, avec leur petite vie, et leurs petites habitudes. Jim aime lire les journaux et se tenir informé de l'évolution de la situation, tandis qu'Hilda préfère s'occuper de la maison, entretenir ses précieux coussins et rideaux, et rêver de fantaisie dans son jardin. Ils sont cependant tous deux très complices, et surtout, confiants en leur gouvernement et en sa capacité à sortir victorieux de cette guerre. Jim a d'ailleurs veillé à ramener tous les fascicules de prévention émis par le gouvernement dans leur petit cottage isolé. Alors que la situation internationale ne fait que se dégrader, Jim se décide à mettre l'intégralité des conseils gouvernementaux en application, persuadé que le respect des consignes leur sera salutaire, à lui et à son épouse. Il construit un abri à l'aide des portes de sa demeure, adossées contre un pan de mur, et y stocke les vivres nécessaires à leur survie, dans l'attente des secours, si une bombe venait à frapper l'Angleterre. Et quelques jours plus tard, la radio annonce l'arrivée imminente d'un missile russe. Jim et Hilda ont 3 minutes...


Je ne ferai pas durer le suspense : ce film est impitoyable. Dès les premières minutes, vous ne vous ferez aucune illusion sur son issue, et il ne vous épargne rien. Vous pouvez scinder le film en deux grands arcs : le premier est celui de la préparation de l'abri, le second est celui de la "survie" après l'explosion du missile. Ces deux parties sont étonnamment similaires dans leur ton et dans leurs thèmes abordés, et diffèrent seulement dans leur palette de couleur.


L'une des grandes forces de ce film est son recours au contre-emploi. Les graphismes sont très doux, dignes d'un bel illustré pour enfants. Et c'est tout à fait normal : l'auteur du roman graphique est Raymond Briggs, grand auteur pour enfants, connu principalement pour Le Bonhomme de Neige, véritable institution de Noël outre-Manche et outre-Atlantique. On ne s'attendrait donc pas à une dystopie post-apocalyptique de sa part. Cette patte graphique très enfantine perturbe, mais charme également le spectateur. Une autre grande surprise de cette œuvre est son humour. En dépit d'une histoire très dure et sombre, le métrage recèle de blagues et de moments comiques tout aussi sombres, teintés d'ironie, mais réellement efficaces. Certains m'ont fait rire, mais d'autres m'ont réellement glacé le sang. Je vais m'attarder sur l'un de ces derniers, placé en spoiler si vous souhaitez le découvrir vous-mêmes.

"The cake will be burnt!" ("Le gâteau sera trop cuit!") : lorsque la radio annonce que le missile est en approche, et qu'il reste approximativement 3 minutes à la population pour se mettre à couvert, Jim panique et fait tout pour amener Hilda dans l'abri. Mais elle ne pense qu'à clôturer ses tâches ménagères, au point que Jim doit un peu la rudoyer pour enfin parvenir à la faire s'allonger dans l'abri. La dernière phrase qu'elle prononce avant l'explosion est "the cake will be burnt!", et cette phrase sera audible en écho à chaque changement de plan montrant les dégâts provoqués par le souffle du missile. Cette opposition entre la trivialité de la remarque de Hilda et la gravité de l'apocalypse nucléaire est brillante, mais également glaçante.


Certaines critiques, d'ici ou d'ailleurs, font également mention d'un problème de rythme présent dans les deux parties, et je ne les contredirai pas. Oui, la préparation de la survie s'étire inlassablement alors qu'on comprend bien être face à deux personnes âgées très naïves et déconnectées de la réalité au point de rêver du "bon vieux temps" de la guerre 40-45 (oui, je vous le jure). Oui, la survie en elle-même est longue et tourne en rond

alors qu'on a tous compris que Jim et Hilda allaient mourir depuis le début.

Alors oui, même si le métrage n'est pas long, il peut parfois sembler longuet. Mais pour moi, ce n'est pas un défaut. Cette longue agonie, cette surenchère dans la naïveté, le déni (particulièrement dans la deuxième partie du film), ce n'est pas une redondance. Ce sont des coups de poing en plein ventre. C'est un spectacle macabre, glaçant et qui vous suivra un petit moment si vous y êtes réceptif. J'ai cru, après la fin du film, que j'en étais sortie relativement indemne, non sans avoir été touchée, mais ce n'est que quelques jours plus tard qu'il a commencé à avoir son petit effet.


Je pourrais en dire plus, mais la critique est déjà longue et il est déjà tard. Je conclurai donc simplement : ce film est dur, mais il est beau. Il est très fort, et il parviendra à vous faire passer un bon moment tout en vous retournant les tripes. Juste, ne le regardez pas pendant les fêtes.



Oka-Pompadour
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le 4 janv. 2023

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le 4 janv. 2023

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