Punishment Park est un film de fiction, qui emprunte au style documentaire pour marquer plus efficacement les esprits, comme Peter Watkins aime le faire.


Il est d'un manichéisme assumé, avec une opposition peu subtile de jurés partiaux, qui n'écoutent pas et condamnent à mort (l'avocat et la télévision faisant figure de papier peint, le premier ne pouvant avancer aucun argument qui soit accepté par les juges quel que soit sa pertinence, et la seconde restant passive). Les jurés donnent le choix entre une punition d'emprisonnement et un hungergames avec des flics, l'un comme l'autre aboutissant à la mort (par exécution ou par la sécheresse du désert).


Le film fait constamment référence au régime nazi (les camps de concentration sont transposés dans le punishment park, les armes sont présentées de manière quasi publicitaire ce qui rappelle le commerce de la guerre aux Etats-Unis et la lutte contre le chômage par la militarisation en Allemagne nazie, les noirs font l'objet de discriminations flagrantes et se font tuer en priorité, les déportés subissent de la torture par l'espoir (on vous donnera de l'eau à mi-chemin, mais en fait non !), on tue des civils et on les habille en militaires pour motiver les troupes qui ne les connaissent même pas en tant que collègues, ce qui fait penser à l'incendie du Reichstag reproché aux communistes, et pour finir on cite même Hitler - enfin tout du moins c'est ce que dit l'un des personnages je n'ai pas eu l'occasion de vérifier - et la citation colle à la vision du régime).


A cette exposition plutôt grossière se superpose pourtant des éléments sous-jacents. Dans le prologue, est citée une loi, faisant directement référence au Droit américain, qui autorise le Président à décréter l'état d'urgence et enfermer tout citoyen qui aurait commis un acte nuisible à l'état, sans preuve ni procès équitable. C'est relativement biaisé, en ce qu'il serait nécessaire pour cela d'avoir l'accord du Congrès, qui peut mettre fin à cet état d'urgence :



"Any national emergency declared by the President in accordance with
this title shall terminate if— (1) Congress terminates the emergency
by concurrent resolution ; or (2) the President issues a proclamation
terminating the emergency. "



Toutefois, dans le contexte actuel, cela peut faire écho à Donald Trump qui s'est vanté pouvoir faire appliquer cet état d'urgence s'il le souhaitait.
Des références au second amendement de la constitution américaine (droit aux armes des citoyens, de créer une milice contre l'envahisseur et de renverser tout gouvernement illégitime) sont affirmées par les condamnés qui se revendiquent de cette constitution et se font condamner en violation du Droit américain.


Indépendamment de cet aspect juridique, on trouve aussi une critique sociale : les jurés, facilement détestés par le spectateur car défenseurs de la forme (pas de violence ni de gros mots, mais on vous bâillonne et on vous traite de dégénérés immoraux) en dépit du fonds (Vous êtes immoraux ! D'accord on est raciste, il y a des bruits de bombes derrière nous, on vous fait taire régulièrement, et on prône la guerre, mais God bless America heureusement nos enfants seront mieux éduqués que vous !), ont tous une profession liée à la liberté de penser. Un journaliste, un professeur, qu'importe, ils sont tous aussi uniformes et vétustes (là encore on peut l'interpréter comme un manque de subtilité).


Une pluie de sophismes abreuvera les condamnés, le plus beau étant sans doute (citation approximative, je n'ai malheureusement pas eu l'occasion de prendre des notes pendant le visionnage) : "puisque vous avez des télés couleurs vous les noirs, vous profitez de notre économie, donc vous n'avez pas le droit de vous opposer à nous !".


Mentions honorables en matière de comique :


"- Dans votre dossier il y a écrit que vous reprochez au pays la dépression, parlez-vous de dépression économique ou psychologique ?
- Mais ce type est un abruti, je parlais de RÉPRESSION !"


"Je ne pense pas qu'ils soient sincères, si c'était le cas ils manifesteraient en hiver !"


D'un point de vue plus technique, le film jouera sur le contraste de l'exubérance des condamnés et des jurés, et de leur absence filmée par la suite (les condamnés sont envoyés dans le parc, les jurés mangent des chips).
Il sera opposé à l'intégration des citoyens une polarisation de ces mêmes citoyens (propos tenu par la voix off du journaliste en ce qui concerne le régime, car il assiste aux scènes et présente le "documentaire"), et sur le plan suivant on verra les participants condamnés au jeu du Punishment Park se soutenir dans le désert, faisant écho aux propos précédents (ils sont plus solidaires dans la révolution qu'ils mènent et plus humains que leurs bourreaux dans le luxe).


Les violences policières seront d'autant plus marquantes que les lunettes noires des policiers masquent parfois leurs yeux (référence à Psychose j'imagine !).


L'aspect documentaire permet aux acteurs de regarder la caméra pour susciter le malaise et jouer vrai (certains acteurs sont d'ailleurs militants au passage !). Une scène est particulièrement marquante : un gros plan sur un jeune soldat de 18 ans, plus ou moins forcé à tuer un homme par ses collègues, qui se défendra d'une manière très maladroite et peu pertinente ("il me jetait des pierres, c'était un accident !") non pas pour faire de la propagande devant la caméra, mais parce qu'il est choqué au point de ne plus pouvoir dire autre chose, pendant que le journaliste décide enfin que tuer les condamnés c'est mal !


Les condamnés dans le Punishment Park sont filmés avec la déformation de l'image résultant de la chaleur du désert, ce qui signifie implicitement qu'ils sont déjà écrasé par lui, et qu'ils vont très certainement mourir.


Punishment Park est un film qui se veut choquant et sollicite beaucoup d'émotions par l'accumulation. Son message politique très opposé au capitalisme est asséné de manière assez brutale, et au final peu justifiée, car Peter Watkins se contente de filmer des rebelles face à un régime réellement totalitaire (dans lequel les Etats Unis ne versent pas à ce point). On évoque la question de la légitimité de la violence dans une insurrection contre un gouvernement liberticide, mais c'est transversal. On parle de génocide des pauvres et de guerre à l'étranger (certaines on réellement eu lieu, d'autres non) mais on n'explique pas pourquoi.
Pourquoi réellement justifier un propos politique quand l'émotion peut suffire à vous faire sentir un rebelle incompris ?

LeRoiChaton
6
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le 13 févr. 2019

Critique lue 110 fois

LeRoiChaton

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