Dans la blancheur aseptisée d’une nuit déréalisée se profile une intrigue inextricable, assemblage labyrinthique de trames narratives superposées qui télescope le récit de PTU (Police Tactical Unit) dans les méandres empoussiérés d’une urbanité dépravée. Dans cette exploration abyssale des ramifications d’un système découvrant tour à tour la violence d’État, le désœuvrement policier et la solitude des grandes cités, Johnnie To conduit une extravagante autopsie sociale qui multiplie les registres opposés – tragique, burlesque, mélodramatique, suspense, film noir.
Avec pour noyau la dissension fondamentale qui désunit les différentes unités policières – source du dysfonctionnement de l’application des lois –, PTU met énergiquement en exergue la panoplie de travers qui composent la structure policière : du jeu malsain de mimétisme entre forces étatiques et organisations criminelles qui accélère la dégradation des agissements violents, au joug écrasant qu’impose le milieu policier à coups d’actes illicites, en passant par l’omniprésence du mensonge. En exposant adroitement les flux explosifs et impitoyables qui s’affrontent sans cesse sur ce territoire ravagé, To encapsule magnifiquement la fréquence cardiaque de la société hongkongaise, secouée par de dévastateurs séismes sociologiques qui la précipitent au bord de la rupture.
Toutefois, par-delà la dissection crue de phénomènes sociaux se révèle une photographie crépusculaire qui concentre l’ébullition narrative et distend le climat électrisant à l’aide de singuliers effets de style. C’est toute une maîtrise du grand angle que nécessite cette savante élaboration de somptueux tableaux nocturnes parsemés de flashs, de néons, de clignotements et de halos. Accompagnée d’un montage finement ciselé et d’un décor sonore parasité d’incessantes interférences, l’imagerie surréaliste développée contribue à emprisonner les personnages dans leur solitude, isolant au sein de leur individualisme respectif ces trajectoires fulgurantes. Une succession hasardeuse de quiproquos en guise de squelette narratif, des figures qui oscillent perpétuellement entre comique et pathétique pour uniques protagonistes et d’inopinées intrusions narratives – la ronde de bicyclette à la Shining – au cœur du dédale décrépi d’un monde écroulé. Tous ces attributs concrétisent le charme inespéré de cet étonnant western moderne qui, tout en narrant les déboires sociétaux, dépeint la poésie désaffectée de l’architecture urbaine avec un merveilleux formalisme.
Il est seulement regrettable de constater la fadeur désagréable de l’inélégante bande originale à laquelle il aurait sans doute été plus judicieux d’y substituer le silence.