C'est certainement l'un des 3 ou 4 films les plus connus d'Hitchcock, tourné entre La Mort aux trousses et les Oiseaux ; c'est aussi le film le plus terrifiant du Maître, même s'il a été affublé d'une fausse étiquette d'épouvante, mais c'est surtout l'un des plus typiques pour comprendre le talent diabolique d'Hitchcock qui n'a jamais été aussi angoissant qu'ici. Produit par Hitchcock lui-même pour Universal, pour la somme ridicule (déjà en 1960) de 8000 dollars, le film en rapporta 13 millions, sans compter les droits vidéo. Tourné en 3 semaines avec l'équipe de télévision qui assistait le Maître à la même époque dans son émission, habituée à des méthodes de travail rapide et bien fait, Psychose n'en est pas moins caractéristique de son auteur et contient quelques-uns de ses gimmicks : dialogue réduit, jeu sur les nerfs du spectateur, angoisse soutenue par la musique, voyeurisme, meurtre se substituant l'un à l'autre, héroïne blonde, ambiance insidieuse... Le film n'a pas véritablement de personnage central, en dépit de Norman Bates le tueur psychopathe, il y a aussi Marion Crane la fille en fuite qui trouve refuge au motel Bates, sa soeur et son petit ami qui la recherchent, le détective Arbogast... Aussi, le film s'impose d'abord par sa virtuosité technique dont Hitchcock était friand, avec notamment la création de certains plans en plongée ou contre-plongée, quelques scènes choc, l'éclairage (dans la petite pièce derrière le bureau du motel, la cave), et surtout le malaise latent entre les personnages qui transpire dans une ambiance étrange. La peur distillée n'est pas fondée sur des effets sonores faciles, mais bel et bien sur la savante construction du scénario.
On sait que le film est adapté du roman homonyme de Robert Bloch, romancier américain spécialisé dans les polars morbides, un roman qui selon certains était jugé très mauvais, ce qui n'affecta pas Hitchcock ayant souvent eu recours à des romans moyens pour réaliser des films brillants. Personnellement, je l'ai lu il y a longtemps, et je peux dire que ce roman n'est pas si mal, mais il est beaucoup plus violent et sexuel, voire sadique ; dans la scène de la douche, Marion était décapitée, et le personnage de Bates était gros, chauve, timoré. Hitchcock voulut le contraire en choisissant Anthony Perkins qui était alors l'un des acteurs les plus beaux de sa génération, afin de donner un charme, une séduction au tueur, et son interprétation subtile et mesurée le rendra célèbre, même si elle figera un peu sa carrière.
Hitchcock aimait aussi rappeler que le roman de Bloch était inspiré d'un fait divers authentique, l'histoire d'un garçon dérangé qui avait gardé le cadavre empaillé de sa mère quelque part dans le Wisconsin au début des années 50.
Quant à cette fameuse scène de la douche, elle fait partie des séquences les plus célèbres du cinéma, au même titre que la course de chars de Ben-Hur, c'est l'une des scènes de meurtre les plus sauvages pour l'époque, tellement réussie et surprenante par son impact qu'elle a traumatisé de nombreuses femmes qui n'osaient plus se doucher. Hitchcock a souvent répété qu'il avait tourné le film en noir & blanc à cause du sang dans cette scène (qui est imité par du chocolat), et pas question de décapitation, il employa une doublure nue (dont on ne voit évidemment pas le visage), même si on ne voit rien d'équivoque, car on est en 1960 et à cette époque, il était inconcevable qu'une star comme Janet Leigh soit vue nue (elle apparait en soutien-gorge au début du film, ce qui était déjà un exploit). Toute l'habileté du Maître tient dans cette fameuse scène qui nécessita 70 à 80 plans et 7 jours de tournage, et pourtant elle dure moins d'une minute, mais tout réside dans le montage afin d'atténuer la nudité et surtout la violence de l'acte, tout en intercalant les gros plans du visage de Janet Leigh ; de cette façon, Hitchcock surprenait et déstabilisait son public en tuant atrocement sa vedette après 40 mn de film. La scène gagne évidemment en intensité grâce aux violons tendus de Bernard Herrmann qui vous agressent l'oreille, et qui prouvent de façon percutante que la musique ici est un élément capital de la narration cinématographique. Parmi les autres scènes choc, gardons en mémoire le meurtre aussi sauvage d'Arbogast dans l'escalier de la maison des Bates, avec un de ces plans étourdissants en fausse plongée, ainsi que le final dans la cave, toujours soutenus par les violons stridents d'Herrmann.
Cette fameuse maison à la silhouette inquiétante existe bel et bien sur le backlot d'Universal et rentabilise sa célébrité en étant une attraction pour touristes qui aiment y retrouver les sensations malsaines du film, son décor achève de marquer à jamais la mémoire, car lorsqu'on a vu ce film devenu culte qui fait délicieusement frissonner, il s'imprime dans l'esprit et ne vous quitte jamais, j'en sais quelque chose, je l'ai vu pour la première fois à l'âge de 13 ans, et ça m'a marqué à vie !

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le 7 sept. 2016

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Ugly

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