Priscilla
6.1
Priscilla

Film de Sofia Coppola (2023)

Jamais auras-t-on vu un Biographical picture plus... biographique.


Je voulais écrire une critique pointilleuse qui, par le référencement de ses autres films, analyserai en quoi Sofia Coppola à pu tant échouer dans la réalisation de son dernier film (à mes yeux en tout cas). Mais je ne peux pas, je ne peux juste pas.

Car en voulant confronter Priscilla à ses grandes réussites (Virgine Suicides, Lost in translation, Marie-Antoinette), je me suis rendu compte que le problème ne réside pas tant dans un manque de caractéristiques propres à la réalisatrice (notamment son analyse profonde de la psychique des adolescentes, à l'allure d'une autobiographie, ou son utilisation des couleurs pastelles et des lumières vaporeuses créant une atmosphère unique) mais surtout dans une absence totale d'ambition.


Le film ne véhicule absolument rien, ou du moins, à très faible dose.


Et pourtant il y en avait du contenu à proposer !

Le récit de la conjointe d'un des hommes les plus célèbres du monde, ça a fait le tour du globe, ça a été relayé par des milliers de supports depuis plus de 60 ans, ça a été sujet à un grand nombre d'interprétations, elle a même écrit son propre livre sur sa vie et, si cela ne suffit pas, elle est encore là pour en parler !

Mais non, nous n'apprendrons rien de spécial sur Priscilla Beaulieu si ce n'est ce que nous avions d'emblée entendus ou que nous redoutions déjà.

On pourrait se dire "manque de chance, c'est la faute du personnage historique inintéressant qui a été choisi".

Mais non, la femme d'Elvis Presley n'a absolument rien qui n'est pas intéressant tant sa vie fut, en cette période, tumultueuse. Tout réside dans la réalisation.


Un enfant est émerveillé par un conte car le narrateur dévoile une immense palette de tons, grimaces et mimétismes lors de la lecture.

Un lecteur est attaché à un livre car son auteur s'est appliqué à imposer son style littéraire inimitable.

Un auditeur s'ambiance sur une musique car le chanteur... Vous voyez où je veux en venir.

Et si l'on (on = ma personne + nombre de mes voisins de salle) est victime d'un ennui cuisant lors de la projection, c'est en partie car le film se structure ainsi : un court début (La rencontre), un long milieu (Répétition incessante du "je te veux moi non plus") et une très courte fin (La rupture).

Voilà. Tout est dit. Ainsi se résume Priscilla de Socia Coppola.


Pour ce qui est de la photographie, la prise de risque est tout aussi absente. Pour contre-balancer la trame principale de l'œuvre qui baigne dans la monotonie de couleurs ternes, on devra se contenter de quelques plans à la texture vintage pris lors d'une fête à la piscine. Ça sera tout.


Mais si on fait une croix sur la forme du film pour s'intéresser seulement au fond, que reste-t-il ? Rien, là non plus.


Et ce n'est pas de matière qui manque, comme dit précédemment, Priscilla Beaulieu à vécu extraordinairement autant dans la passion que la tourmente. Mais où est la passion ? Où est la tourmente ? L'un comme l'autre sont à peine effleurés dans le récit.

Certes on comprend qu'elle a un faible pour la star du Rock avant même de le rencontrer, mais s'il n'était pas nécessaire de la faire plonger dans un fanatisme adolescent, il aurait été évident de travailler un tant soit peu sa désillusion quant à cette rêverie meurtrie.

Certes on observe ses excès de colère, mais s'il n'était pas question de la faire passer pour une pré-adulte hystérique toujours attachée aux enfantillages d'antan, la moindre des choses aurait été de caractériser l'indignation de son statut de femme-objet.


En parlant de ce statut, c'est bien la le sujet essentiel que le film aurait dû soulever.

Témoigner de l'ambiance machiste des années 60, caricaturale mais élémentaire pour toutes femmes de ce temps.

Montrer à quel point il est immoral de nos jours d'accepter la liaison entre une jeune fille de 15 ans et un homme de 25 ans, par exemple en évitant les plans larges mais en se focalisant sur l'un des deux protagonistes lors de l'énoncé de termes (in)appropriés (la 1ère indignation que l'on entendra à ce sujet arrivera, et de façon très discrète, au bout de 25 minutes avec un simple "isn't she young?").

Expliquer, à l'instar du film Le consentement, que l'essence des sentiments de Priscilla vient d'abord d'une fascination, d'une idolâtrie d'un esprit jeune.

Et si malgré les violences d'Elvis elle n'arrive pas à plier bagages, insuffler un sentiment de désappointement, de révolte interne, de solitude profonde.



Ni profondeur, ni intensité, ni maîtrise.


Ainsi ai-je finis cette critique : d'une conclusion aussi froide et creuse que le départ en voiture de Priscilla, tournant le dos à 1h45 d'un métrage essoufflé.

PabloEscrobar
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Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Flop 10 de l'année 2023, Vu en 2024 et Les meilleurs films A24

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le 3 janv. 2024

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