Priscilla
6.1
Priscilla

Film de Sofia Coppola (2023)

Bon, je le balance tout de suite, ce serait un euphémisme de déclarer que je ne suis absolument pas fan du cinéma de Sofia Coppola. Pour moi, c'est la quintessence de l'ennui et du vide. Son style inutilement étiré à l'excès et un fétichisme pour les détails girly ne sont là que pour donner l'illusion que ça raconte quelque chose ou plus que pas grand-chose.


Quoi ? Comment ? Lost In Translation ? Si cette œuvre ne mérite pas, contrairement aux autres de la filmo, que l'on tire immédiatement la chasse, néanmoins, s'il n'y avait pas Bill Murray, s'il n'y avait pas Scarlett Johansson ainsi qu'une alchimie naturelle entre les deux, le tout n'aurait aucun intérêt.


Bon, autant dire que je n'y allais pas avec une confiance débordante vers ce Priscilla. Mais il se trouve que le sujet m'intéressait de base. Ben ouais, tout ce qui tourne autour du King m'attire. Donc, pourquoi pas suivre la vie de l'ex-épouse d'Elvis Presley.


Alors, c'est un biopic sur Priscilla Presley, de sa rencontre à l'âge de 14 ans avec son futur mari, 24 piges, en Allemagne, alors que celui-ci effectue son service militaire, jusqu'à leur séparation. Ouais, l'idée est superbe, le résultat, nettement moins.


C'est une enfilade de vignettes sans consistance, autour d'une jeune fille qui devient une recluse, par amour et par un manque de maturité, à Graceland, ayant comme seule thématique commune que notre adolescente/jeune adulte se fait chier profond dans sa prison dorée (au moins, elle partage un sentiment identique avec le spectateur que je suis !). L'objet de sa flamme se pointe de temps en temps, juste pour montrer, en homme bien de son époque, qu'il est un macho, pour qui la femme se doit d'être au foyer, qu'il est infidèle, et point bonus, qu'il est particulièrement lunatique.

Loin de contester cet état des choses qui était certainement vrai, le problème à ce propos, c'est que l'extrême grande majorité de l'ensemble, ce n'est que ça.


Déjà, visiblement, contre toute vraisemblance, notre protagoniste n'a jamais eu de contact avec le staff de la résidence ou avec la bande de potes de la star, tellement tout ce petit monde se résume à des silhouettes apparaissant quelquefois à l'écran, rien d'autre. Résultat, sur la fin, quand Priscilla quitte définitivement le foyer conjugal, lorsqu'elle fait ses adieux aux membres du personnel, ça provoque que dalle émotionnellement puisque l'on ne l'a pas vue avoir la moindre relation, un minimum creusée, avec eux auparavant.


Ensuite, il y a une méga-grosse ellipse, faisant passer brusquement notre héroïne d'un être soumis contre sa volonté profonde à une femme qui se décide à prendre son indépendance. Quand je parle de vide avec le cinéma de Sofia Coppola, c'est notamment par le fait que la réalisatrice est incapable de mettre en scène la moindre évolution psychologique (ouais, elle n'a pas hérité des génomes artistiques de papa !). C'est loin d'être nouveau chez elle. Le cas antérieur le plus choquant dans ce domaine, c'est dans Marie-Antoinette. La Marie-Antoinette de 1789, reine obligée de quitter Versailles sous les premiers feux de la Révolution, est identique à la Marie-Antoinette de 1770, jeune princesse insouciante lorsqu'elle débarque à la cour de France.

Pour en revenir à Priscilla, cela aurait peut-être été plus intéressant de consacrer une bonne partie des 110 minutes du truc à cette évolution psychologique, non ?


Et pour signifier la question du temps qui passe, on n'a la possibilité que de se fier aux changements de coupe de cheveux et de costumes. Ouais, les personnages doivent avoir les meilleurs chirurgiens esthétiques du monde, car ils ont la capacité incroyable de ne pas vieillir d'une seule minuscule petite ride. Le budget maquillage du film a dû être équivalent au budget cendrier d'un non-fumeur.


Je n'évoque pas les seconds rôles parce qu'il n'y en a pas, tout simplement.


Alors pour Elvis, l'acteur Jacob Elordi partait déjà avec un très sérieux handicap, à savoir passer après Austin Butler. Le film biographique sur le chanteur de Baz Luhrmann est très perfectible, a de nombreux défauts, mais possède un atout de taille, son interprète principal. Butler ne joue pas Elvis, il est Elvis, il n'est même pas exagéré de dire qu'il est entièrement possédé par Elvis. En un quart de siècle de cinéphilie, c'est une des performances les plus impressionnantes que j'ai vue de toute mon existence. Elordi, en conséquence, ne pouvait qu'être fade en comparaison. Il semble uniquement imiter du mieux qu'il le peut la voix d'Elvis et c'est tout. En outre, lors de la seule séquence, située au début (donc pour aider à la crédibilité en ce qui concerne la suite, on repassera !), dans laquelle on voit le personnage chanter, il y a un décalage gênant, immédiatement perceptible à l'oreille, entre la voix parlée et la voix chantée.


Le seul point positif à retenir de ce ratage, c'est le choix de l'actrice, prêtant ses très jolis traits au rôle-titre, Cailee Spaeny. Elle est cinégénique. Elle est charismatique. Elle a beaucoup de grâce. Elle réussit à faire preuve de talent avec le trop peu de profondeur qui lui est offert. Si Priscilla parvient à ne pas être juste un produit insipide, à l'image de la carrière de sa réalisatrice, c'est uniquement à la présence de Spaeny que l'on doit cela.

Plume231
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le 8 janv. 2024

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Plume231

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