Non, le rock and roll n'est pas mort

Almost Famous c'est l’histoire semi-autobiographique du réalisateur/scénariste Cameron Crowe, celle d’un jeune journaliste qui, dans les années 1970, part en tournée avec un groupe de rock. Si le pitch du film vous semble familier, c’est probablement parce que l’histoire n’est pas nouvelle. Il y a eu des dizaines de films sur le style de vie rock and roll : la drogue, le sexe, les bagarres et autres obstacles à éviter pour avancer sur la route du succès.

Almost Famous s'ouvre sur une magnifique scène qui montre le jeune William Miller (Patrick Fugit) parcourir les disques que sa sœur aînée Anita (Zooey Deschanel) lui a laissés lorsqu'elle s’est enfuie de chez elle. À l’intérieur de la pochette de l’album The Who's Tommy, elle laisse une note à William, lui disant d’écouter le disque avec une bougie allumée et il pourra alors voir son avenir. Il met le disque, sur le titre Sparks, et d'un seul coup son regard s'illumine, une expression du visage que tout fan de rock reconnaîtra.

Il y a eu des tonnes de choses qui ont été écrites sur la musique rock'n roll, de ceux qui pensent, comme Elaine (Frances McDormand) la mère de William, que c’est une musique satanique (aka "la musique du diable"), ou de ceux qui insistent sur le fait que la musique n’a pas de sens et la prendre au sérieux, ce serait faire preuve de beaucoup de prétention (aka "ce n’est que de la musique").

Et puis il y a des gens comme Cameron Crowe, qui voient le rock'n roll comme une expérience qui réunit les gens, une expérience qui se partage de la même manière que le théâtre ou le cinéma. Et bien sûr, le rock'n roll c'est aussi la musique de tous les excès, un moyen de se lâcher de temps en temps, mais c’est aussi quelque chose qui parle de ce que nous aimons, de ce que nous désirons, de ce qui nous blesse à l’intérieur, de ce dont nous avons peur ... et bien plus encore !

Parce que Cameron Crowe est un fan de rock, il est capable de capturer tous ça dans une caméra. Il y a tous ces petits moments feel-good, comme quand tout le monde chante sur du Elton John dans le bus de la tournée du groupe Stillwater, ou quand le chanteur Jeff Bebe (le trop rare Jason Lee) incite tout le monde à chanter "On the Cover of Rolling Stone" quand il apprend la nouvelle, comme quoi lui et ses camarades du groupe seront sur la couverture du magazine. Il y a aussi l’esprit animal de Sapphire (Fairuza Balk), l'une des nombreuses groupies qui suit le groupe dans leur tournée, ou l’esprit plus tendre de Penny Lane (une Kate Hudson d'une incroyable beauté), une autre groupie qui croit qu’elle et les autres groupies sont des muses pour des groupes comme Stillwater. Et puis il y a William qui essaie (comme Cameron Crowe l’a fait lui-même) d'exprimer tout son amour pour le rock à travers le reportage.

Alors Certes, la route vers le succès n’est pas entièrement recouverte de roses. Il y a des moments dures, comme quand Russell (Billy Crudup) maltraite Penny, avec bien sûr l'influence de la drogue et de tous les excès. Almost Famous ce n’est pas un film parodique ou fantasmé sur le rock ou qui essaie de ridiculiser le rock. Almost Famous ce n'est pas Spinal Tap ou The Rocky Horror Picture Show, on est même à l'antipode de ce genre de film. Almost Famous capture dans le rock ce qui attire encore les gens dans cette musique et c'est évident que Cameron Crowe aime ces gens ... il en fait d'ailleurs partie.

Alors, qu’est-ce qui distingue Almost Famous des autres films du même genre, que j'appellerais pour ma part des feel-good movies ? Bah il y a tout d'abord le jeu des acteurs. Frances McDormand est absolument brillante dans le rôle de la mère bien intentionnée, mais autoritaire de William. Le jeune Patrick Fugit quant à lui, est très convaincant dans la peau d'un adolescent timide et maladroit, mais qui est prêt à tout pour appartenir à ce monde du rock'n roll. Billy Crudup et Jason Lee sont vraiment très crédibles en tant que membres du groupe Stillwater, surtout Jason Lee qui décidément m'impressionnera toujours (seulement dommage que sa carrière n'ait jamais décollé). Et puis il y a Kate Hudson et Philip Seymour Hoffman qui volent la vedette à tout le monde. Tout d'abord Kate Hudson, elle est fabuleuse, à la fois mystérieuse et terriblement intrigante. Quant à Philip Seymour Hoffman, dans la peau du légendaire journaliste rock Lester Bangson, on ne voit que lui dans chaque scène où il apparait.

L’intrigue n’est peut-être pas particulièrement originale, mais elle sonne vrai. J’aborde bien sûr cette critique en tant que fan de rock et en tant que personne intéressée par l’industrie du rock. Néanmoins, je crois que même les gens qui ne portent pas particulièrement d'intérêt pour le rock, apprécieront ce film, car il ne s’agit avant tout ici d'un film sur la vie (ou "comment trouver sa voie dans la vie ?"). Un thème central du film est le conflit intérieur de William, doit-il rester détaché et à l'écart afin d’être un journaliste impartial, ou se permettre de se lier d’amitié avec ces gens et de se sentir à sa place ? En plus de soulever des questions d’éthique journalistique, ce dilemme reflète ce à quoi nous sommes tous confrontés à un moment ou à un autre de notre vie.

Almost Famous est réaliste, drôle, touchant et l’un de ces rares films qui vous donne le sourire aux lèvres en quittant la salle de cinéma. Almost Famous c’est la preuve que le rock and roll n'est pas mort.