Adolescentes, j’avais bien aimé, j’étais donc curieux de savoir ce qu’avait pu faire l’auteur de ce beau documentaire quelques années avant, cette fois dans une fiction. Avec Plein sud, Lifshitz a tenu, précisément, à tourner le dos à l’approche documentaire : dans le bonus du DVD, il explique avoir cherché à s’éloigner du naturalisme qui, selon lui, domine le cinéma français (contestable à mon avis). Pour cette raison, il a peu caractérisé les lieux et l’époque. Son film s’attache plutôt à évoquer l’esthétique des road movies américains : format Scope, grands espaces, priorité donnée à l’image sur les dialogues. Au vu des deux films, le verdict est sans appel : notre homme est nettement meilleur dans le documentaire....


Trois personnages roulent vers le sud, en prennent un quatrième en route : voilà qui m’a fortement rappelé un autre road movie au titre proche, Le plein de super d’Alain Cavalier. Le film de Cavalier avait un propos : raconter quatre approches différentes de la femme à travers les quatre passagers. Le récit était fécond.


Celui-là ne l’est pas. A trop vouloir flirter avec le rien, Lifshitz et ses deux scénaristes tombent dedans, signant un film aussi fumeux que la Ford (mais mets donc de l’eau dans ton radiateur, qu’on n’en parle plus !).


Sam a pris en stop Léa et son frère Mathieu. Léa est enceinte, de qui, on ne le saura pas, ce que ça vient faire dans l’histoire non plus. C’est une chaudasse, qui fait souvent la gueule. Oui, et donc ?... Mathieu, homosexuel, désire violemment Sam. Lors d’une soirée sur la plage, il obtient ce qu’il voulait (oui, car au cinéma on baise devant tout le monde sur la plage). Lorsque Sam s’enfuit, il est triste. Bon... Enfin, le plus inconsistant, Jérémy, sert juste à montrer une scène de coït avec gros plan sur la poitrine aux tétons turgescents de Léa Seydoux.


Reste Sam, le seul personnage intéressant. Car il a vécu un traumatisme, le suicide de son père dans sa voiture, alors que sa mère le houspillait. Celle-ci est dingue, donc bientôt enfermée, Sam est confié à une autre famille. Avant le suicide, on le voit faire bloc avec son frère, chez qui il s’arrêtera lors de son périple. Mais les parcours des deux frères ont bifurqué : le cadet a réussi à tourner la page et à trouver un équilibre, précisément ce que n’a pas su faire Sam, ce qui nous vaut ce périple vers le sud. Il a retrouvé le flingue qui a causé le drame et compte bien s’en servir. Pour tuer sa mère ou pour se tuer lui-même face à elle ? Le film a l’intelligence de laisser la question en suspens. Finalement, il renonce, jette le flingue dans l’eau.


L’histoire de Sam montrée à coups de flashbacks, c’est de loin ce qu’il y a de mieux dans Plein sud. Pas reversant d’originalité, mais suffisamment intéressant pour maintenir l’attention, même si on peine à comprendre pourquoi Sam en veut à sa mère (pas de sa faute si elle est dingue, si ?).


Lorsque la petite bande arrive au bord de la mer, mon Dieu… Ça commence par une scène sur la plage sur fond de musique, genre clip, un procédé que tout réalisateur devrait formelllement s'intedire. Le plan de Léa et Jérémy s’embrassant devant un coucher de soleil sur la mer, c’est forcément second degré non ? Mais quel sens aurait ce second degré ? Quel sens, d’ailleurs, a la confrontation de Sam à ces trois-là ? Lorsqu’ils ne baisent pas, ils font la gueule ou s’envoient des vacheries, mais la plus grande des vacheries, c’est l’indigence du propos que Lifshitz impose au spectateur. Il y a aussi cet artifice, les séquences tournées en caméra vidéo pour faire film de famille, puisque Mathieu a toujours ça à la main. L’objectif était sans doute de contraster avec le Scope qui prend en charge le récit, mais le procédé n’est pas plus signifiant que le reste.


Ces trois jeunes gens sont très beaux, spécialement Yannick Renier et Théo Frilet. D’ailleurs ils le montrent, tout comme Léa Seydoux. Le regard pénétré du ténébreux Renier ne parvient toutefois pas à faire illusion sur l’inanité du propos. Seul moment assez beau, le face à face avec sa mère, grâce au jeu sensible de Nicole Garcia.


Sinon, on voit des éoliennes et des vaches dans des prés.


5,5

Jduvi
5
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le 18 mai 2022

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Jduvi

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