Wim Wenders réussit le grand défi de renverser nos a priori en quelques deux heures de film.
Perfect Days nous plonge dans le quotidien d’Hirayama, un homme d’une soixantaine d’année qui travaille comme nettoyeur de toilettes publiques à Tokyo. Un métier qui ne donne pas vraiment envie mais dont Hirayama ne pourrait pas se détacher. Etrangement, il a l’air d’adorer son travail...
Petit à petit, on se rend compte que ça n’a rien d’étrange. Perfect Days explique que le bonheur est une affaire subjective qui ne concerne pas seulement la réalité matérielle des choses.
Pour Hirayama, la vie parfaite ce n'est pas de brasser des millions ou d'avoir accès à une technologie dernier cri, non. Elle se compose de journées simples, routinières. Il suffit de quelques cassettes et d’un bon paquet de livres d’occasion. Hirayama sourit toujours et sait apprécier les choses simples et belles, à la manière des anges des Ailes du désir.
Bernard Friot, sociologue, au micro de Blast, prenant l’exemple des éboueurs : « Les enquêtes montrent que les ripeurs* ont une haute conscience de ce qu’ils font. Ce qu’ils n’aiment pas c’est leurs horaires, c’est leur salaire. Mais leur travail, ils l’aiment.»
A bien y réfléchir, Hirayama est même bien plus libre qu'une foule d'autres travailleurs qui gagnent mieux leur vie : il possède son matériel et n'a pas de superviseur présent avec lui par exemple.
Le film insiste beaucoup sur le partage, à l’image de cet homme qui demande si deux ombres superposées sont plus sombres. “Un instant partagé est meilleur” semble répondre le réalisateur.
La force de ce film empathique est de nous faire exécuter un voyage entre les mondes, entre les perceptions.
Notre monde en comporte une infinité d’autres.
La sœur d’Hirayama n’arrive pas à comprendre qu’il vive dans un monde si différent du sien. Il est si triste de ne pas pouvoir lui expliquer. Il l'embrasse alors de toute ses forces, seul contact qu'il peut faire avec un autre monde, imperméable.
C’est justement dans la force du film que réside aussi sa faiblesse. En effet, à voir un ouvrier heureux, on en oublierait presque ceux qui ne le sont pas, qui souffrent de leur travail.
Hirayama ne représente pas tous les travailleurs ni du Japon, ni du monde. Perfect Days témoigne plutôt d’un mode de vie sain, d’un idéal, mais pas d’une réalité. Allez donc dire aux ouvriers du BTP qu’il faut apprécier l’instant, qu’il faut voir le beau dans les sacs de mortier de 15 kilos.
Toutefois, Hirayama incarne une certaine forme de lutte. Il est autonome et ne compte par sur une quelconque aide extérieure. Il s’émerveille de ce qu’il a sous les yeux et tente de s’écarter des représentations spectaculaires. Il est humain au milieu des bêtes.