On associe très naturellement "Père, fils" (dont le "et" a sauté à la traduction pour d'obscures raisons) à un autre film de Sokourov, "Mère et fils", les deux œuvres partageant beaucoup de points communs et faisant partie d'une même courant au sein de sa filmographie. Si le moule esthétique semble très similaire, le ton est en revanche très différent ici puisque le spectre de la mort d'un parent sera absent. J'ai cependant du mal à voir à qui d'autre que les grands connaisseurs et amateurs de Sokourov ce film pourrait convenir, tant il plonge sans ambages au cœur du sujet, avec un maintien remarquable au niveau de l'ambiance générale tout du long. L'image initiale est très marquante : un père tient son fils dans ses bras, on le comprendra pour le rassurer après un cauchemar. La différence d'âge assez faible rend l'image étrange, de plus en plus étrange même, évoluant à travers différentes strates de l'amour. Père et fils, ou bien des frères, des amants ? Le thème de l'inceste n'est jamais posé, on y pense forcément à un moment où à un autre, mais il est rejeté aussi vite car la dimension platonique et conflictuelle de leur relation prend rapidement le dessus. Sokourov ne nous laisse presque pas reprendre notre souffle au sein de cet appartement sous les toits capturés dans les teintes ocres et les déformations optiques qu'on connaît assez bien chez lui, conférant à ce lieu une sensation de monde à part. On ne sait jamais vraiment dans quelle sphère on évolue, la réalité ou le rêve, le présent ou les souvenirs. Tout juste perçoit-on une jalousie survenir de la part de l'amie du fils, à l'école militaire, étant donnée la relation très intime qui l'unit à son père. "Tout père crucifie son fils, tout fils se laisse crucifier par son père", pourra-t-on entendre dans le film renforçant le côté mystique des sentiments qui flottent dans l'air. Pas vraiment d'histoire, au sens où le scénario ne nous conduit pas d'un point A à un point B précis : c'est plutôt de l'ordre de la divagation psychologique, un portrait tout en détours du duo père-fils partagé entre attirance et rejet, toujours questionné par l'angoisse de la solitude.

Créée

le 22 déc. 2023

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Morrinson

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