L’intérêt principal du film réside certainement dans son aspect historique, puisque même s’il inverse la chronologie, les événements demeurent soigneusement bornés dans le temps et permettent dès lors une lecture croisée avec l’histoire de la Corée du Sud, des années 1980 jusqu’à la fin du XXe siècle.
On pourra s’étonner d’ailleurs qu’un cinéaste aussi talentueux que Lee Chang-dong, extrêmement à l’aise avec le plan-séquence et les transitions de toute beauté (cf. les scènes où Moon So-ri se rêve en fille « normale » dans Oasis), ait choisi la facilité de ces séquences sur rail pour introduire chacun des flashbacks qui jalonnent le film. Ces séquences, au nombre de quatre ou cinq, alourdissent une narration déjà peu vivace du fait du style de Lee, proche du documentaire, ou en tout cas éloigné de la dramatisation.
Mais ce qui m’a le plus déplu dans Peppermint Candy c’est à quel point le protagoniste est raté, dans le mauvais sens du terme. C’est pourtant la marque de fabrique de Lee, les personnages complexes, profondément « maudits » mais pourtant purs et sincères… Or là c’est l’exact opposé : rien, jusqu’à la toute fin, ne vient justifier le comportement absolument déplorable de cet antihéros violent, misogyne, égoïste et « foutu ». Il n’y a absolument rien d’attachant chez ce type, quoi que ce soit qui pourrait me permettre de m’identifier à lui, d’éprouver de la compassion ou de la peine pour lui. Vraiment j’ai du mal à me dire que trois ans plus tard c’est la même personne qui réalisera un chef-d’œuvre de sensibilité et d’humanisme.
Parce qu’il n’y a rien, ou très peu d’humain dans ce film. Un exemple : la religion. Le thème est traité avec une légèreté tout à fait contraire à son essence même (ce que Lee comprendra parfaitement lorsqu’il fera Secret Sunshine, un modèle du genre). La religion suppose patience, partage (communauté), élévation, ou du moins révélation. Ici deux prières sont dites à la va-vite dans des contextes complètement déplacés (lors d’un repas d’affaires et avant un rapport sexuel), manquant de ce fait de susciter l’effet escompté (la grâce).
La réalisation ne peut même pas venir en aide dans cette situation, puisqu’elle est un sommet d’académisme ; je crois qu’il n’y a pas un seul plan dans ce film qui m’ait marqué par son « intelligence » en termes de photographie : c’est vraiment le « calme plat » du début à la fin (d’ailleurs ratée).
La psychologie du personnage, passée absolument sous silence, contribue d’autant plus à affaisser le film dans un état de bâtardise cinématographique qui m’a personnellement beaucoup dérangé : pourquoi en fin de compte vouloir nous raconter cette histoire ? Quel est le message ? Que la dictature c’est mal parce que vous tirez par accident sur une lycéenne avec votre M16 ? Que l’amour n’existe pas parce que vous êtes un égoïste névrosé incapable d’exprimer vos sentiments ? Que rien ne vaut plus la peine d’être vécu parce que la fille que vous aviez laissée en plan il y a vingt ans est sur le point de mourir ? Si c’est tout ça, alors quelle drôle de façon de penser la vie…