I’ m walking on sunshine...ah merde, c’est pas encore cette période.

J’ai vu « Peggy Sue s’est mariée » à cause de rumeurs persistantes sur le fait que « Camille Redouble », de la Française Noémie Llovsky ne se soit grandement inspiré (pour ne pas dire qu’il a grave pompé) ce film mineur de l’Américain Coppola premier du nom. Pour nous débarrasser bien vite de cet aspect, il semblerait que oui, cette rumeur soit fondée, de mon humble point de vue en tout cas. L’histoire et les personnages sont très similaires, idem pour les questionnements ou débuts de questionnements que posent les deux oeuvres; mais autant dire que ça n’a que peu d’importance dans ce cas précis. Seule chose qui change d’un film à l’autre: le cadre spatio-temporel. Ce qui est tout de même déjà beaucoup, mine de rien. L’Atlantique et vingt années séparent la blonde et lisse Peggy Sue de la brune et rebelle Camille; il était donc logique que, de la France punk et bariolée des années 80, on passe à l’Amérique prospère et paisible des années 60. Et c’est là que ça commence à coincer du côté du spectateur.


Tout d’abord à cause d’un facteur bêtement national: un spectateur français qui a connu les années 80 (ou, comme c’est mon cas, dont les parents ont été ados à cette période) n’aura pas trop de difficultés à goûter à la nostalgie qu’un film peut déployer de ces dernières. En revanche, les chances qu’il se sente en phase avec une génération, et surtout une culture qui lui sont totalement étrangères, sont déjà plus minces. Certes, tout reste une question de sensibilité et de capacité d’empathisation; on peut tout à fait être touché par un sujet qui, de prime abord, ne nous concerne en rien. Mais là, je n’ai pu m’empêcher de me dire que l’idéalisation que Coppola faisait de l’Amérique de sa jeunesse n’était pas destinée à être partagée avec le plus grand nombre à l’échelle internationale. Toutes ces teintes rose bonbon et blanc brillant, tous ces visages souriants, toutes ces mignonnes banlieues où tout semble aller toujours bien, ça peut marcher auprès d’un public américain nostalgique d’un certain « âge d’or » peut-être un peu trop fantasmé, mais pas avec un public européen qui ne voit plus les Etats-Unis comme une terre promise et que les frasques de Disney ennuie de plus en plus aux dernières nouvelles. A la rigueur, les cinéphiles pourront se dire que ce côté onirique des banlieues Etat-Uniennes et de l’adolescence dans ces mêmes banlieues (souligné par le grain vaporeux de la photographie) venait apaiser les derniers soubresauts des films dérangeants à la Carrie, tout en préparant la montée des films bien plus rugueux des années 2000, réalisés entre autres par Van Sant et Coppola fille (que l’on pourra apercevoir ici en pleine puberté).


Si encore dans ce décor artificiel s’ébauchait une histoire intéressante, ou au moins crédible ! Mais non: « Camille redouble » a bien des défauts, mais ce qu’on ne peut lui enlever, c’est d’une part sa grande spontanéité, qui donne à un scénario pourtant improbable quelques accents de vérité, d’autre part la tentative d’approfondissement dans les thématiques qu’il emprunte à Peggy Sue (censé être son inspirateur majeur): peut-on choisir le même chemin de vie en sachant ce qui nous attend ? Retourner dans le passé n’est-il pas l’occasion de réparer les erreurs, graves ou moins graves, qu’on y a faites ? De rattraper des actes manqués, du temps perdu ?


Le film de Coppola, s’il amorce ces idées, n’en fait qu’un faible usage; la superficialité reste le maître-mot du scénario écrit avec les pieds et joué sans conviction par (presque ) tous ses acteurs; nous reste à nous raccrocher à Kathleen Turner, la seule à interpréter son personnage d’une manière à peu près habitée, aussi désespérée que nous face à un Nicolas Cage donc chaque apparition et son émis provoquera séance tenante une crise d’épilepsie (ou de fou rire, c’est selon) chez toute personne dotée de vision et d’ouïe.


Il y a bien une tentative, assez rigolote, de montrer l’impact que l’héroïne peut avoir sur le futur de la Nation, quand elle renseigne son ami scientifique sur les futures innovations technologiques. Mais le film ne lui donne aucune conclusion...
On sent, parfois, que le ridicule de certaines scènes est assumé (comme celle des dernières minutes montrant l’organisation secrète du grand-père de Peggy Sue), mais le reste semble tellement se prendre au sérieux dans son exploration d’amours ratées au sein d’un tunnel temporel improbable que même ces quelques moments comiques ne rattrapent pas l’ensemble, et le noient même encore plus dans la façade et la grimace.


La seule chose tangible de ce film, ce sont ses décors, reflétant un rêve d’Amérique perdue et bien rangée, sans rien qui dépasse. Rêve dans tous les sens du terme d’ailleurs, comme viendra le confirmer la décision finale de l’héroïne, qui comme le réalisateur, a peut-être entièrement imaginé cet espace-temps de carton-pâte, sans prise de tête ni gravité, sans chair et sans os en somme. Ce n’est même pas une version féminine et doucereuse de Retour vers le Futur: c’est Alice de l’autre côté du miroir, au pays du conformisme.

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le 30 sept. 2019

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Dany Selwyn

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