Godard me manque

Je déteste ce film, si ce n'est pour quelques rares plans, dans lesquels on a droit à de la géométrie simple et des couleurs belles mais pas surabondantes. Il y a aussi 2-3 trucs qui ont du me faire rire, mais c'est tout.

Mais pourquoi est-ce que je le déteste? De manière centrale il y a cette morale niaise. Qui n'a aucun adversaire réel, autrement dit qui fait des hommes de paille, contre laquelle doit se battre une femme-enfant ingénue découvrant se sexualité, laquelle pose problème aux yeux des hommes... Bon, alors je dois mettre les choses au clair: en général, je déteste la sexualité au cinéma - ou peut-être plutôt dans le discours ambiant - car je la trouve souvent mise en valeur pour de mauvaises raisons, et ici on tape en plein dedans. Je trouve qu'on la présente souvent à tort comme un moyen inoffensif de simplement se faire plaisir, reléguant les objecteurs à des puritains coincés du cul. Or je vois les choses en biais de cela. Je suis peut-être trop fleur bleu mais pour moi la sexualité c'est se rapprocher de quelqu'un qu'on aime, et tout le reste c'est de la masturbation assistée. Donc non, la sexualité n'est pas sans conséquence, et je trouve très bizarre qu'un film qui donne dans la critique sociologique fasse de son héroïne une pratiquante, justement de la masturbation assistée, laquelle est il me semble le plus souvent une critique faite de la part de féministes à des hommes.

Et pour ceux qui n'ont pas compris où je voulais en venir, je ne pense rien de bien du slutshaming non plus. Je ne dis pas qu'il faut se retenir, je dis qu'il faut que les choses aient du sens. Après il se fait aussi que j'ai mis les Écrits Corsaires de Pasolini et un livre de Kant dans mon top 10 livres, donc ça vous situe mes idées sur les plaisirs de la chair.

Mais pour situer le niveau, dites vous que c'est bien une ingénue qui est sensée se faire critique. Donc dès le départ on efface toute possibilité de complexité, or le monde est rarement simple. Incroyable, ce que je dis, je dois être le premier à faire la remarque.

Mais du coup on a ce film qui prône le plaisir pour le plaisir, ce dont je pense beaucoup de mal, et qui le pose par opposition à une société d'hommes sexistes, inconséquents, dégueulasses... mais si le message est une opposition à l'idiotie pure et simple, où est sa force? Et puis il y a les visuels, que je trouve assez dégueulasses aussi, sauf par moments comme je le disais. Bon, la beauté pour la beauté est une choses vaine, mais une telle laideur, par moments on se dit qu'elle doit être voulue, or je n'en comprends pas le sens.

Et puis il y a aussi un aspect sociologique qui est celui du rire dans la salle. Parce que je l'ai vu au cinéma, dans une salle bien remplie, et que ça m'a rappelé ma consternation en entendant rire devant Spider-Man No Way Home. Je perds foi en l'humanité, mais en même temps je me dis qu'on a ce qu'on mérite et que si on est content de manger de la merde, c'est normal qu'on nous en serve. Parce que l'humour, vraiment, ne vole pas très haut, et est surtout moqueur et partisan en même temps, bref c'est de l'humour complaisant et ras des pâquerettes. Un même public avec des idées différentes aurait ri devant des blagues sur le physique de l'une ou l'autre actrice, j'en suis convaincu.

Du coup, ça nous fait une histoire pas très fine, de l'humour dont je n'aurais pas suspecté l'existence, sans l'assistance-rire du public pair, une esthétique vomitive par moments, le tout dans un total qui ne va nulle part de pertinent...

En fait ça me rappelle un peu The Northman, que je n'avais pas aimé non plus, et ce qu'on m'a objecté, c'est que c'est différend de la norme hollywoodienne. Alors comment dire que ça n'est pas une plus-value en soi, et que certainement ça n'indique en rien la qualité d'un film?

S'il vous plaît, je voudrais seulement encore revoir Alphaville... Entendre Anna Karina dire "il y a des mots que je ne comprends pas"

Edit: il se fait que j'ai parlé avec une amie qui m'a dit voir beaucoup aimé le film, justement parce qu'elle trouvait la sexualité bien représentée, en particulier le parcours de découverte de la sexualité, et que les antagonistes masculins faisaient vrais, parce qu'apparemment, des hommes comme ça c'est encore courant. Alors il me faut admettre que j'ai parlé de mon point de vue et reconclure: je ne peux pas vraiment le changer, mon avis, ça reste mon avis après tout, et mon ressenti devant le film. Et si ma vision de la pertinence (ou du manque de) la critique de ce film prend sans doute un coup, reste que je me suis retrouvé bien embêté devant, et qu'en tant que discours je ne le trouve pas très pertinent; au lieu de passer son temps à se moquer de certaines personnes, il devrait plutôt chercher à faire quelque chose de beau: si tu regardes dans l'abime, l'abime regarde en toi. On se salit en repoussant. On s'embellit en s'élevant.