Remake de Crime d'amour, le dernier film du français Alain Corneau disparu en 2010, Passion signé de l'américain Brian De Palma marque le retour de celui-ci au thriller fantastique. Un retour plutôt gagnant tant le film s'avère captivant, empilant les rebondissements et les fausses pistes. C'est un jeu cruel et machiavélique de séduction et de manipulation auquel se livrent Christine et sa subalterne Isabelle. Comme dans tout rapport de domination et de fascination qui se respecte, les rôles ne sont jamais durables et fonctionnent d'autant mieux qu'ils n'ont cesse de se renverser. Si le film s'intitule Passion, c'est bien, parce qu'au-delà des appétits voraces et insatiables du pouvoir et de la réussite sociale, entre aussi en ligne l'affectif. Dès lors, lorsque les sentiments s'emmêlent, et qu'importe leur nature exacte et multiple, les trahisons et autres instrumentalisations deviennent impardonnables, terreaux fertiles de la vengeance. La mise en scène rigoureuse s'accorde parfaitement à l'univers luxueux et privilégié d'une caste de dirigeants - où, pour une fois, les femmes se taillent la part belle - qui, derrière les sourires fabriqués et la complicité affichée, ourdissent les pires machinations. Le réalisateur nous communique cette jouissance et ce plaisir pervers de la mise en place d'un puzzle sophistiqué dans lequel chaque nouvelle pièce laisse entrevoir une image finale différente. Toute la technologie moderne (ordinateurs, portables et tablettes) est mise à contribution pour étayer et nourrir le suspense. Passion devient réellement haletant dans le dernier tiers selon le canevas habituel des thrillers. Plus que jamais, Brian de Palma revendique ici son influence hitchcockienne que la musique un peu trop présente et appuyée de Pino Donaggio et le choix des cadres (escaliers, miroirs, couloirs) contribuent à renforcer. Il manque néanmoins à l'ensemble un surcroît de perversité et de cruauté, ainsi qu'une interprétation moins lissée qui joue trop sur le contraste entre les deux comédiennes, pour le porter à un niveau supérieur, plus en adéquation avec l'exigence du réalisateur.
PatrickBraganti
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le 14 févr. 2013

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