oct 2011:

J'avais un bien meilleur souvenir de ce film. Par moment j'ai frôlé l'ennui, le film manquant parfois de rythme.

Disons plutôt qu'une bonne première partie présente sereinement les personnages et les petits enjeux de ce quotidien familial modeste. Une fois cela accompli, on se lasse un peu trop vite, et puis les situations comiques ne sont pas toujours très percutantes, il faut donc attendre la dernière partie pour retrouver de l'émotion, un intérêt au récit. Il y a comme un ventre mou que je n'avais pas perçu la première fois, une stase trop pépère où la structure du récit ressemble un peu à une succession de petits sketchs comme ceux qui ont fait le succès en cabaret de Robert Lamoureux, ces petites saynètes dans lesquelles il racontait des histoires de famille les plus abracadabrantes.

Quand Louis de Funès fait son apparition pour venir "donner la main" lors d'un déménagement, le film tourne au burlesque, au cartoon, enfantin, un humour qui me touche ici que très peu.

Ce qui m'avait beaucoup plu est toujours plus ou moins présent -le cadavre bouge encore- c'est cet esprit un brin frondeur, iconoclaste, fondu en manière de paradoxe dans la routine d'une famille de français moyens. Ce hiatus, on le doit à la plume de Marcel Aymé (ici co-scénariste avec Pierre Véry autre joli imaginaire), un écrivain pour qui je nourris plus que de l'admiration. Voilà quelqu'un qui me fascine et m'impressionne, un de ces géants sur les épaules duquel nous aimons à guetter l'horizon, nous autres nains (spéciale dédicace à MC Bernie, de Chartres).

C'est donc aussi la peinture d'une France un peu disparue, celle du 20e siècle, celle des immeubles très socialement hiérarchisés, celles des humbles qui vivent dans les remises et qui cherchent le petit boulot pour survivre. Cette France existe encore recluse, plus métissée peut-être, mais toujours modeste et travailleuse. Il y a dans cette description un murmure qui étonne par sa douceur, une paix qui n'oblitère pas cependant les emmerdes et l'absence de pognon. On fait avec, on s'entraide. Qu'on ne vienne pas m'asticoter le nombril avec l'image d'Epinal ou le cliché, cette réalité s'est imposée à moi durant toute mon enfance, j'en viens. Venez pas me dire que ça n'existe pas.

Quoiqu'il en soit, je ne sais pas à qui l'on doit cet état d'esprit, à Marcel Aymé davantage qu'à ses collègues, peu importe après tout, mais une franche gaité imprègne le texte et le récit.

Il n'y a guère que "Papa" (superbe Fernand Ledoux) qui fasse quasi continuellement la gueule, en vieux ronchon coincé dans son froc. Ce n'est qu'à la fin qu'on s'aperçoit de la "supercherie", ce qui nous vaut d'ailleurs une séquence assez navrante, mal vieillie, celle où Lamoureux fait la leçon aux élèves de son père qui le chahutent. Foutre dieu, que l'école a changé!

Le personnage qui m'a le plus plu c'est celui de "Maman" (Gaby Morlay) avec sa petite voix et ses raclements de gorge, à moins que ce soit des petites interjections, je ne sais comment dire, elle a un de ces petits tics verbaux qui en énervent plus d'un, mais qui, personnellement, me mettent illico en joie. J'adore cette actrice et ce petit bout de bonne femme qu'elle campe avec une joie un peu dans la lune, pimpante et impliquée, dans la sagesse des fous.

Concernant la "bonne" (Nicole Courcel), et "lui" (Robert Lamoureux), je les range volontiers avec tous les autres petits rôles, ces petites trognes que je me fais un plaisir à classer dans le trombi, un truc un peu obsessionnel et surtout empreint de plein d'affection. Courcel n'a pas un bien grand rôle et Lamoureux n'est pas encore très sûr de lui.

Je suis peut-être un peu déçu également par la réalisation de Jean-Paul Le Chanois. Je l'avais gardée en mémoire avec beaucoup plus de caractère. On a droit cependant à quelques idées charmantes, très simples et qui servent bien l'histoire. N'empêche, je m'attendais à bien plus.

Pour finir, je m'en voudrais de ne pas conclure sur la partition de Georges Van Parys élégante et gaie, une petite œuvre qui bien foutue, comme d'habitude avec cet artiste.
Alligator
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le 19 avr. 2013

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Alligator

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