La gêne, l’humour noir, la violence et le chaos s’entrechoquent, passant du rire à la malaisance

Oranges sanguines (2021) c’est la France d’aujourd’hui, au grès de diverses rencontres aussi loufoques qu’improbables. Un couple de retraités couvert de dettes, un ministre en fonction soupçonné de fraude fiscale ou encore une adolescente aux prises avec un détraqué sexuel. Le film suit leurs parcours qui s’entremêlent au hasard des rencontres.


Sans nul doute, Oranges sanguines (2021) va diviser. Il est même surprenant de voir débarquer ce film dans un paysage cinématographique français si policé, pour ne pas dire conventionnel. Et très clairement, on ne boude pas notre plaisir d’avoir affaire à une œuvre aussi barrée et politiquement incorrecte, de constater que le réalisateur ait pu autant se lâcher en nous entraînant dans le grand n’importe nawack et enfin, de se rassurer en constatant qu’il existe encore des producteurs distributeurs qui ont les couilles de prendre des risques, car oui, il n’est pas certain qu’ils rentrent dans leur frais avec une œuvre aussi corrosive et dont les exploitants ne se bousculeront pas pour le mettre à l’affiche de leur cinéma (j’espère me tromper).


Pour son second long-métrage, Jean-Christophe Meurisse convoque de nouveau (après Apnée - 2016) une partie de sa troupe de comédiens de sa compagnie théâtrale "Les Chiens de Navarre" (spécialisée dans l’improvisation) et nous entraîne pendant plus de 90min, dans un voyage où la malaisance, l’humour noir, la violence et le chaos vont venir s’entrechoquer, passant du rire à la gêne en un claquement de doigts. Ici, tout le monde en prend pour son grade, les portraits sont brossés au vitriol, ça dézingue à tout va, aussi bien sur les handicapés que sur les hommes politiques, d’un couple de retraités passionnés par la danse à une adolescente vierge qui s’interroge sur son vagin et sa première fois.


C’est à la fois acide et caustique, on rit gêner, parfois de honte tant les situations les plus absurdes s’avèrent honteusement drôle. Les protagonistes sont merveilleusement bien écrits et bien évidemment, c’est le casting est clairement à la hauteur car il ne suffit pas d’avoir une bonne plume, il faut aussi que les interprétations suivent. Christophe Paou (le ministre), Alexandre Steiger (l’avocat), Lilith Grasmug (l’adolescente), Fred Blin (le détraqué sexuel) ou encore, le temps d’une scène mémorable Blanche Gardin (la gynécologue), tous nous offrent de sacrés moments (parfois d’improvisation). Les répliques fusent et la gêne nous envahis, comme lorsque Blanche Gardin oscule le sexe de Lilith Grasmug tout en condescendance, sans oublier la rencontre improbable entre le bluffant Fred Blin (accompagné de son cochon) et Christophe Paou, pris dans une spirale infernale. D’autres séquences nous viennent en mémoire, comme cette scène moquant ouvertement l’émission de Karine Le Marchand sur M6 "Une ambition intime" (avec cette interview sirupeuse à en vomir) ou encore cette séquence photo à la Paris Match où la mise en scène photographique entre le ministre et son épouse prend des proportions invraisemblables.


Une comédie caustique qui ne plaira pas au plus grand nombre il faut en convenir, l’humour noir et pince-sans-rire n’est clairement pas fait pour tout le monde (la confrontation entre Louise et son bourreau restera gravée dans notre mémoire, désormais, vous ne verrez plus de la même manière votre micro-onde ✂️). Un brûlot sacrément culotté, une folie-douce doublée d’une satire surréaliste brillamment mise en scène et incarnée par des acteurs hors-pairs.


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le 23 nov. 2021

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