Orange mécanique par Anna_M
Kubrick, ou l'art de faire des films complets. Des films pleins, parfaitement aboutis, des films que l'on peut lire sous l'angle d'une multitude de domaines, des films avec une forme (et quelle forme !), un fond, et (au moins) une troisième dimension extrêmement réfléchie... Orange Mécanique est probablement l'oeuvre qui concentre de façon quasi exhaustive les talents du réalisateur. C'est un film incroyable, derrière sa trame très simple : plan en 3 parties (ce découpage hyper distinct que l'on retrouve aussi dans FMJ par exemple) et l'intrigue qui est d'une clarté exemplaire, il y a toute une réflexion globale dont certains aspects sont moins directement perceptibles mais très virtuosement maniés. Si le film soulève en effet assez explicitement toute la problématique liée au choix, à la liberté... Et en cela me semblait déjà extrêmement intéressant et dense, on peut également en faire des interprétations plus fines encore, en analysant les choix musiaux de Kubrick par exemple. Et on découvre que rien n'est dû au hasard et que la musique se met très subtilement au service du fond et fait passer des messages (Jérome Rossi a écrit là-dessus des choses très intéressantes). Et en plus de cette grandiose richesse dans la symbolique et dans le soucis du détail, le film peut se vanter d'être parfaitement divertissant, d'avoir un rythme sans heurts, et une intrigue passionnante. Ajoutons à cela tout ce qui le rend si particulier : le vocabulaire ré-inventé, l'ambiance futuriste, les costumes (et le jeu) incroyable de Mcdowell en Alex, le traitement de la violence... Mais c'est aussi un beau film, beau parce qu'il rassemble. Il a beau (décidément !) être le fruit de l'un des plus grands génies du 7ème art et être une source d'interprétations abondante pour les spécialistes, il peut à côté plaire à des non initiés du cinéma. Orange Mécanique propose à la fois une sorte de démocratisation de la réflexion philosophique (sur le choix et compagnie) et à la fois une profondeur que l'on peut creuser presque à l'infini. C'est un immense chef d'oeuvre, pas forcément mon film préféré de Kubrick mais peut-être celui qui représente le mieux tous les pans de sa virtuosité.