Les archives James Bond, dossier 5: Au dessous du volcan

Quotient James Bondien: 7,25
(décomposé comme suit:)


BO: 9/10

Inutile de le rappeler à chaque fois, au moins depuis Bons baisers de Russie: John Barry compose merveille sur merveille. Atteignant le niveau d'infaillibilité du héros qu'il illustre, il devient son alter-égo sonore. Ce qui est d'autant plus fort que lui n'est pas un personnage de fiction mais un compositeur en pleine possession de ses moyens, ne faisant plus qu'un avec son sujet, déposant une série inouïe de pépites pour la postérité, qui suffirait à faire aimer les films qu'elles illustrent au plus réfractaires des spectateurs bondiens . C'est fatiguant de se répéter dans cette rubrique à chaque film. D'autant que Au service secret de sa Majesté va suivre.


Titre générique: 10/10
Au départ proposé à Franck Sinatra, le titre sera, sur le conseil du papa lui-même, finalement interprété par la fille, dont la tessiture se marie divinement bien avec sans doute le plus beau thème de toute la série. Le résultat est tellement beau et déchirant que ça pourrait même être considéré comme sacrilège d'avoir composé une si jolie chose pour un film aussi vain et fun qu'un James Bond. Mais ne blasphémons pas: un Bond, c'est aussi (et surtout) ça.


Séquence pré-générique: 7/10

L'idée n'est pas entièrement originale, puisqu'elle avait été rapidement exploitée dès Bons Baisers de Russie, mais le meurtre de 007 est efficace et pour la première fois, la séquence sert l'histoire à venir. Disons qu'ici, l'effet de surprise remplace le spectaculaire.


Générique: 8/10
Maurice Binder, en charge de son deuxième générique, prend ses marques et trouve une inspiration nouvelle dans un des thèmes visuels du film. Flots de lave et silhouettes féminines se marient à merveille et offre à ce cinquième épisode un rendez-vous visuel toujours inventif et puissant.


James Bond Girls: 6/10
Helga Brandt n'a sans doute pas la pétulance ou la présence de Fiona Volpe (ou Pussy Galore) dont elle semble être une pâle copie, et Aki et Kissy ont sans doute été freinées dans leur prestation par un manque de maitrise certain de la langue de Shakespeare (voir le chapitre pré-production).


Méchant(s): 8/10

Parce que c'est Donald. Et c'est pourtant frustrant de le dire, mais Pleasance est tellement capable de mieux, comme il l'a démontré tant de fois au cours de sa carrière, que c'en est presque rageant que sa composition reste surtout dans la postérité par son maquillage et ses yeux exorbités. Toujours est-il que les spectateurs étaient si impatients depuis quatre films (bon allez, trois) de mettre enfin un visage sur le n°1 de Spectre qu'il est agréable que Jan Werish ait été finalement écarté, au profit de l'acteur iconique anglais.


Cascades: 5/10
A part la petite Nellie, dont les innombrables heures de vol et le décollage sur des routes impraticables ont occasionné quelques sueurs froides à son pilote, peu de choses à se mettre sous la dent, tant les combats, si spectaculaires soient-ils, ne parviennent plus à provoquer la surprise. Admirons toutefois les sauts à l'aveugle de James sur les palettes de cartons dans le port de Kobe, l'espion ayant dans doute remarqué qu'il ne s'agissait pas de réserves d'enclumes.


Scénar: 6/10

Un script parfaitement frustrant, dans la mesure où la partie enquête pourrait être plutôt agréable (on recherche dans un premier temps qui peut utiliser le combustible nécessaire aux fusées, on se glisse incognito (hmmm hmmm) au sein d'un village de pêcheurs pour s'approcher du repaire du méchant, mais le tout est balayé par des recherches souvent farfelues de sensations fortes (comme l'aimant géant…). Et une fin déjà classique (qui reprend dans les grandes lignes celle de Dr No).


Décors: 8/10

Un des clous du spectacle, le cratère du volcan, bébé de Ken Adan, qui coûta à lui seul autant que le budget complet de Dr No.


Mise en scène: 7/10
Lewis Gilbert d'abord réticent, finit par accepter le challenge que lui propose Cubby Broccoli, et il fait le job avec application, mais toutefois de génie particulier. Cubby l'avait notamment titillé sur sa capacité à apporter ses idées après son succès sur Alfie. Le résultat n'est pas flagrant. Plus dommage peut-être, Gilbert a apporté tout son savoir-faire dans la mise en valeur des décors et des personnages (à travers la superbe photographie de Freddie Young) mais a visiblement abandonné le domaine du lifestyle du personnage, auquel avait tant contribué Terrence Young ou Guy Hamilton.


Gadgets: 7/10
Un avion miniature encore à l'état de prototype fait le gros du boulot. Après le jet-pack d'Opération tonnerre, Saltzman et Broccoli était à l'affut de ce genre de véhicules expérimentaux. En l'occurrence, c'est Ken Adam qui entendit parler de l'engin dans une émission de la BBC. Il n'en fallut pas plus pour obtenir l'apparition de l'engin à l'écran.


Interprétation: 5/10
Sean à bout de nerfs à cause d'une chaleur intenable et de paparrazis déchaînés, des actrices japonaises maitrisant mal l'anglais et refusant de nager, des titulaires habituels en pilotage automatiques, une distribution générale efficace mais sans génie particulier.


JAMES BOND ROUTINE:


- Drague: James ne séduit que ses partenaires japonaises dans ce récit, puisque la fille dans l'épisode Hong-Kongais et Helga Brandt sont en service commandé. Notons d'ailleurs une Aki qui tombe de manière bien impromptue et surprenante. C'est d'ailleurs bien le drame de James, entre celles qui font exprès et celles qui succombent, il ne sait plus où donner de la tête.


- Plus loin que le bisou ? A priori oui, avec Aki et Helga. Mais le film reste pudique sur ses performances cette fois.



- Bravoure: A l'assaut du repère de Blofeld, il demande qu'on le couvre pour donner l'assaut. Mais il ne pouvait guère faire moins, nous en conviendrons.


- Collègues présents: Aucun



- Scène de Casino ? Pas cette fois


- My name is Bond, James Bond: Sean est définitivement avare avec cette formule.


- Shaken, not stirred: Monsieur Henderson lui demande s'il est bien shaken not stirred, comme il l'apprécie.


- Séquence Q: Despond Llewelyn continue à voyager, après les Bahamas, le voilà au japon. On a bien droit à un "now, pay attention, 007" mais pas grand-chose de plus à se mettre sous la dent. Bon, il est quand même en short.


- Changement de personnel au MI6: Aucun. Equipe stable. Notons toutefois un cabinet qui se fait amphibie cette foi, puisque M et Moneypenny vont vers Bond, et non l'inverse. A bord d'un sous-marin super cosy.


- Comment le méchant se rate pour éliminer Bond: Encore de grands moments dans cette rubrique: Helga fait glisser une tablette sur les bras de James, espérant le coincer, avant de sauter de l'avion. Technique non seulement vouée à l'échec mais en plus couteuse en avion. Il y a ensuite le tueur furtif qui fait glisser une goutte mortelle le long d'un fil. Facile de rater sa cible, surtout quand celle-ci est dotée d'un sixième sens, même en plein sommeil. Il y a aussi une tentative un peu pathétique pendant l'entrainement ninja. Et Ernst Stavo, bien sur, qui parle pendant des heures avant de tenter de tirer.


- Le même méchant tue-t-il un de ses sidekicks ? Helga Brandt est jetée au piranhas, et Osato sur lequel Blofeld tire à la place de Bond. Quel idiot, cet Ernst.


- Nombre d'ennemis tués au cours du film: 21. Un nouveau record est battu, puisque le précédent était, dans Opération Tonnerre de 17. Toujours plus létal, le James.


- Punchline drolatique après avoir éliminé un adversaire ? "Bon appétit" In french dans le texte.


- Un millésime demandé ? On lui propose un Dom Perignon 59. La carte des vins des premiers Bond est la plus triste de l'histoire de l'œnologie.



- Compte à rebours ? Il s'arrêt cette fois à 0:05 !


- Véhicules pilotés: Après une nouvelle ballade en combi de plongée, James pilote un avion type Cesna, et la petite Nellie, l'autogire célèbre. Quand à la Toyota 2000 GT, Bond ne fait que le passager.



- Pays visités: Hong Kong (pré-générique) et Japon.



- Lieu du duel final: La base de Blofeld, dissimulée dans un volcan éteint.


- Final à deux dans une embarcation perdue en mer ? Oui, dans un chouette canot de sauvetage tout jaune, avant d'être soulevé par un sous-marin taquin, dans lequel M et Moneypenny veillent.


PRE-PRODUCTION


Pour ce cinquième volet des aventures de James Bond, Albert R. Broccoli propose cette fois la réalisation à Lewis Gilbert, qui sort d’un joli succès avec son Alfie (Alfie le dragueur pour son banalement moche titre français). Cubby (c'est le surnom qui lui est donné) a d’abord un peu de mal à convaincre le réalisateur de rejoindre le désormais grand barnum Bondien, mais ce dernier accepte finalement quand le producteur lui demande ce qu’il serait capable d’apporter à la série en cours, et comment son public le suivra dans cette aventure.
 
Dès novembre 1965, Sydney Boehm propose une première mouture du scénario, immédiatement reprise par Harold Jack Bloom (qui contient la séquence pré-générique, telle qu’elle sera finalement gardée). En février 66, Saltzman et Broccoli, accompagnés de Lewis Gilbert et leur génial chef décorateur Ken Adam s’envolent pour le Japon, pour une très longue série de repérages, suivant en cela les traces de Fleming qui avait entrepris le même voyage quand il avait commencé à imaginer le roman. Sauf qu’eux vont rapidement devoir emprunter la voie des airs, en survolant la quasi-totalité du pays en hélicoptère. Ce qui leur pose trois petits problèmes : la frousse irrépressible de Gilbert pour ce genre de déplacement, le fait que leur pilote soit un ancien pilote kamikaze aux mains tremblantes (mais qui s’avéra être un pilote hors-pair) et surtout que rapidement ils durent se rendre à l’évidence : il n’existe pas de château spectaculaire au bord de l’eau au Japon (pour le repère de Blofeld du roman).
C’est en survolant la région volcanique située sur l’île de Kyushu, et particulièrement son volcan Shinmoe, que l’idée frappe l’équipe : et pourquoi ne pas imaginer une base camouflée dans un de ces volcans ? Immédiatement, nos producteurs Cubby et Harry demandent à Ken une idée du budget d’une telle idée, et, après avoir esquissé une série de croquis dans sa chambre d’hôtel, Ken Adam estime que la chose pourrait être réalisée pour un million de dollars. Quand on lui répond immédiatement "banco ! ", il se dit que ses ennuis commencent.
 
Personne n’est cependant convaincu par le scénario, qui pose plusieurs problèmes. L’un d’entre eux est que le roman se situe au milieu de la trilogie SPECTRE, dans laquelle Bond pourchasse Blofeld après que ce dernier ait fait assassiner sa toute nouvelle femme Tracy Di Vicenzo. Mais cette première partie d’histoire, racontée dans Au service secret de sa Majesté n’a finalement pas été encore adoptée, pour entres autres, de similaires raisons de repérages et manque d’idées satisfaisantes pour la localisation du repère de Blofeld (on se souvient que ce film devait suivre Goldfinger avant que les droits de Thunderball ne se débloquent soudainement).
Saltzman et Broccoli font donc appel à un vieil ami de Fleming, plutôt jusque-là spécialisé dans les récits destinés à la jeunesse : un certain Roal Dahl. Parmi les indications que lui donnent Saltzman, une l’amuse particulièrement: mettre trois femmes sur le parcours de Bond, deux devant mourir pendant qu’il finit dans les bras de la troisième. Le même Saltzman qui amuse Dahl pour une autre raison, au cours des nombreuses réunions d’écriture auxquelles assistent les deux hommes avec Cubby Broccoli : il a tendance à somnoler régulièrement, avant de s’éveiller brutalement et trouver une plutôt bonne idée.
 
Le casting pose son lot habituel de problèmes, accentué ici par le fait que la majorité de celui-ci doit être local, les producteurs n’ayant aucune connaissance des comédiens japonais. Quand Mie Hama et Akiko Wakabayashi sont choisies, on décide les envoyer en Grande-Bretagne pour parfaire (ou carrément lancer) leur niveau d'anglais, aucune des candidates ne maitrisant la langue de David Beckham.
Un épisode mémorable concerne Mie Hama: contrairement à sa consœur, elle ne parvient pas à progresser de manière convenable dans son apprentissage, ce qui fera dire au Guilbert qu'il va falloir trouver une autre solution. Il demande Tetsuo Tamba (qui joue l'allié de Bond Tigre Tanaka) de l'inviter à diner et lui annoncer la nouvelle. Quand le lendemain, Tamba explique au réalisateur qu'elle prévoie de se suicider le soir même, Guilbert trouve avec Saltzman et Broccoli une double solution pour finalement la garder: inverser les rôles prévus entre elle et Akiko (en jouant la mariée du village, elle aura ainsi beaucoup moins de texte a dire) et la doubler en post-synchronisation.


Ken Adam entend Ken Wallis parler de son autogyre dans une émission de la BBC, évoque le sujet avec Broccoli qui lui-même venait de lire un article sur le sujet, ce qui suffit aux deux hommes pour vouloir l'appareil dans le film. Ils obtiennent le numéro du pilote du prototype (qui cherche à commercialiser son invention) et rendez-vous est donné pour six semaines plus tard au Japon.


Juste avant de commencer à tourner, deux évènements vont faire basculer le compte de fée permanent dans lequel baignent l'équipe de production depuis ces dernières années vers une réalité plus tangible et menaçante, rappelant à chacun qu'il convient de garder les pieds sur terre. Il y a d'abord l'avion qui devait ramener tout le monde en Angleterre à la fin des repérages qui s'écrase sans laisser de survivants, Broccoli et Saltzman ayant annulé au dernier moment leur départ pour pouvoir suivre un entrainement de cascadeurs en vue de la séquence des Ninjas. Il y a surtout Sean Connery qui fait savoir par voie de presse que ce film sera son tout dernier James Bond, sans possibilité de prolongation.
Si aucun arrangement n'est trouvé, tout doit donc être bouclé avant le 4 novembre, date à laquelle se termine le contrat de cinq ans que l'acteur avait signé au moment de se lancer dans l'aventure Dr No.


TOURNAGE


Les premiers plans sont tournés à partir du 4 juillet, mais Sean Connery, en compagnie de son épouse australienne Diane Cilento (au cours d'un mariage qui ne durera que cette seule année) ne débarque au Japon que le 27. Tout semble immédiatement réuni pour lui donner raison est confirmer sa décision de quitter le navire fou des productions Bondiennes. La chaleur est intenable au cours de ce mois d'août 66, et les foules de paparazzis se pressent en permanence autour de l'acteur, allant jusqu'à la traquer au fond des toilettes. Même les gardes du corps qui lui sont dévolus sont surpris en train de prendre des photos de la star !
Ce ras le bol sera parfois perceptible à l'image, quand Sean se montre presque blasé et sans la pétillante dont il est d'ordinaire capable: la scène de l'avion, ou du faux mariage ne laissent peu que de place au doute: c'est l'acteur plus que l'espion qui affiche une lassitude totale.
Il reste néanmoins merveilleux avec l'équipe de tournage, avec qui il joue au foot dès qu'il le peut, entre deux parties de golf. D'ailleurs, pour ne pas rater la finale de la coupe du monde, un accord est passé avec la BBC qui envoie les bobines de la finale (la compétition n'est pas diffusée à cette époque au pays du soleil levant) que toute l'équipe regarde ensemble, en ayant pris soin de ne pas connaitre l'issue de la partie, 24 heures après l'évènement.


Le combat de Sumo ne peut avoir lieu que si le combat est réel, les athlètes refusant de faire semblant. On invite donc la population à un combat gratuit, et l'enceinte est remplie en moins de dix minutes. On doit alors régler des problèmes d'intendance inattendus, liés à la chaleur du lieu, qui fait que les spectateurs menaceront rapidement de quitter les tribunes si des bouteilles ne sont pas rapidement acheminées pour survivre dans cette étuve.
La fille de Cubby, Barbara Broccoli, alors âgée de 6 ans, sera pour la première fois de son existence présente sur un tournage, mais sera elle aussi indisposée par la chaleur. Sean et sa femme Diane laisseront leur chambre (qui est la mieux climatisée de toutes) à l'enfant le temps qu'elle s'adapte. Cela ne laissera sans doute pas trop de mauvais souvenirs puisqu'elle a par la suite remplacé son père aux commandes de la plus fructueuse franchise de l'histoire du cinéma.


Les autorités japonaises donnent l'autorisation à la production d'investir le château d'Himeji, joyau national récemment restauré. C'est là que l'entraînement des Ninjas est filmé. Mais des images volées par la presse, qui ne devine pas que de faux éléments de décors sont utilisés pour être abimés par les combattants, persuadent l'opinion publique que la production ne peut pas tout se permettre ! Ils doivent donc quitter les lieux avant de pouvoir s'expliquer.


On apprécie la présence de madame Connery (non, pas Aretha), sportive et particulièrement athlétique, quand elle remplace au moins quatre ou cinq actrices trop timides (?) pour nager, dans la scène de la découverte de la grotte qui mène au volcan.
Dernière anecdote notable de l'épisode japonais: on croit Bob Simmons, le cascadeur doubleur de Sean Connery, cruellement blessé lors de sa chute de près de 30 mètres sur une pile de carton dans le port de Kobé, quand son pantalon se déchire. Avant de se rendre compte qu'il ne s'agit pas de sang mais d'un caleçon rouge vif du meilleur effet.


De retour aux inévitables studios Pinewood, les véritables difficultés commencent.
La fabrication du gigantesque volcan a évidemment pris du retard, ce qui est compréhensible au vu de l'aspect pharaonique du projet. Ken Adam a conscience qu'il s'agira du pic ou de la fin de sa carrière (au point de développer une crise d'eczéma spectaculaire). Mais son boulot est remarquable, et plus le set prend forme, plus les équipes d'ouvriers ont du coeur à l'ouvrage et finissent par oublier tout l'inconfort de travailler à 40 mètres de hauteur. Le chantier, que toute l'équipe de tournage vient visiter dès qu'elle a un instant de libre, se termine finalement après que Ken et sa femme soit venu trinquer avec les travailleurs enfin récompensés de leurs efforts par un résultat époustouflant.
Le dôme est bluffant avec ses fausses perspectives et son éclairage diabolique, permettant à un vrai hélicoptère et une fausse fusée de cohabiter sous ses dimensions prodigieuses (on rappelle qu'il aura couté autant que le premier film entier de la franchise).


Jan Werish, qui avait été choisi pour incarner Blofeld, au grand désarroi de Guilbert qui lui trouve un air de papa noël, tombe opportunément malade après quelques jours de tournage, ce qui permet à l'équipe de production de le remplacer par le Donald Pleasance que l'on connait, capable de conférer au numéro 1 de SPECTRE toute l'aura dont sa postérité aura besoin. Supportant un maquillage très désagréable, l'acteur retourne tous les plans préalablement mis en boite par son prédécesseur et donne la réplique à un Connery enfin content de partager la scène avec un partenaire de jeu prestigieux.
Un Connery dont on doit rapidement prolonger le contrat de presque un mois, au vu du retard pris par la construction du repère de Blofeld. Quand l'écossais quitte le plateau de qu'il pense alors être son tout dernier Bond le 2 décembre, le tournage est loin d'être terminé pour le reste de l'équipe.
Inévitablement, un des cascadeurs se brise les deux chevilles en freinant trop tard lors de la descente des ninjas sur les câbles impressionnants de l'assaut final.
Bernard Lee a une tendance croissante à abuser de repas très arrosés au fil des tournages, aussi insiste-t-on pour le faire jouer le matin, ce qui ne manque pas de le surprendre.
Un dernier acteur doit être entouré de précautions (pour lequel on prévoie dès le deuxième jour de tournage une doublure) est bien entendu le chat, qui a la fâcheuse tendance à quitter les bras de son maitre au moindre bruit, comme quand on crie "action !" sur le plateau. Le retrouver au fond du plateau sale et apeuré n'est pas une mince affaire, comme de devoir le laver et le brosser.


Peter Hunt, monteur des quatre premiers épisodes, a eu à peine le temps d'échanger sa grande déception de ne pouvoir, comme il l'aurait voulu, diriger ce cinquième film par la consolation d'être en charge de la deuxième équipe. Il dirige notamment des scènes aériennes additionnelles tournées à Gibraltar et Malaga.
Quand il voit le premier montage effectué par son remplaçant, il est si atterré par le résultat (et il n'est semble-t-il pas le seul) qu'il accepte de revenir à son actionne poste contre la promesse que cette fois, oui, il dirigera bien le prochain film de la série.


POST-PRODUCTION


Pour la première fois, le travail de post production ne se fait pas dans l'urgence, et le résultat de cette relative quiétude est visible à l'écran, avec un film mieux fini et soigné.
Il sort le 12 juin 1967 à Londres et entre en concurrence presque directe avec le Casino Royale parodique et concurrent (dossier 4 bis de cette série) qu'il écrasera assez logiquement. Toutefois, avec ses 112 millions de dollars de rentrées (qui fait de lui un nouveau très gros succès), le film est le premier de l'histoire des Bond à faire moins bien que ses deux prédécesseurs.


Une nouvelle fois, Harry Saltzman et Albert Broccoli comprennent qu'un premier âge d'or vient de prendre fin, d'une manière d'autant plus évidente que Sean Connery n'a jamais pu être convaincu de revenir sur sa décision.
La presse annonce la fin de l'empire 007 mais Cubby reste en son for intérieur confiant. Il a l'intime conviction que la seule vraie vedette de sa série, c'est James Bond lui-même, et pas celui qui l'incarne.


Le clin d'oeil: le film présente le moins gros bilan carbone des 25 James Bond, ne se déroulant qu'au Japon (et à Hong-Kong), sans épisode londonien. Pour l'équivalent de 412 kilos de CO2.


LA CAUSERIE FINALE AU COIN DU FEU D'ONCLE NESS
(Un feu… rouge, devant lequel il attend de pouvoir démarrer, n'étant poursuivi par personne, et accompagnée d'aucune dame en détresse, se demandant bien ce qui a pu lui arriver cette fois-ci.)


Avec On ne vit que deux fois, la trajectoire des James Bond se cogne une première fois à un plafond de verre. En poussant les curseurs de ses différentes formules au maximum, le film offre un résultat dont chaque spectateur sent bien qu'on ne pourra pas aller plus loin, au risque de basculer irrémédiablement dans le domaine de la caricature. Les producteurs s'aperçoivent bien entendu les premiers de ce genre de danger, qu'ils seront amenés à plusieurs reprises à faire repartir sur des bases plus modestes, si ce n'est réalistes (après Moonraker, ou après Meurs un autre jour par exemple). Ce n'est pas sans raison que des parodies comme Austin Power prendront comme source importante ce film comme base de travail.


Une des explications de cette façon de flirter avec le too much vient d'une débauche de moyens nouvelle, et d'une capacité toute récente de réaliser toutes les idées folles qui traversent l'esprit de ses créateurs. Une scène, sans être grotesque, illustre parfaitement cet état d'esprit no limit: quand Dana Broccoli, la femme de Cubby, propose l'idée d'une voiture aimantée par un hélicoptère, tout le monde trouve ça formidable. La chose est adoptée sans réserve, et on insert rapidement une scène pouvant expliquer pourquoi et comment l'évènement arrive. Ce n'est pas l'histoire qui justifie la démesure mais la démesure elle-même qui s'impose au milieu de l'histoire. Certes, le phénomène n'est pas complètement nouveau ni isolé, mais il devient au moment de la conception de ce film un peu trop généralisé.


Il est aussi frappant de se rendre compte que la production est contrainte dans le temps pas la fin du contrat de Sean Connery, un contrat de… 5 ans ! Aujourd'hui avec un tel contrat, n'importe quel acteur ne pourrait faire qu'une apparition dans le rôle de l'agent secret, mais en ces temps inauguraux, les films s'enchaînaient à un rythme inconcevable de nos jours. Une époque d'effervescence dans le domaine de la pop culture qui a permis aux Beatles, au cours des mêmes cinq années, de publier 8 albums quand actuellement 5 ans est un écart habituel entre deux disques.


Pour toutes ces raisons: démesure, départ de l'acteur vedette, premier film à ne pas surpasser le précédent, le duo de producteurs allait être confronter à un série de challenges inédits, et ainsi amener à prendre une batterie de décision qui allaient permettre à la franchise de basculer dans l'inconnu: vers une sérénité inédite ou vers la fin d'une suite de succès critiques et financiers qui avait de toutes façons, déjà marqué l'histoire de son art.


Ceci est le onzième dossier des 27 que comporte la série des Archives James Bond


Un dossier à retrouver avec musique et illustration sur The Geeker Thing

guyness

Écrit par

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27
6

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