Nos années folles, c’est pas si ouf que ça.

Ce film avait tout l’air d’annoncer une histoire passionnante, traitant à la fois de la relation que l’on a à soi, à son genre mais aussi à la souffrance humaine, à la perte d’identité. Mais ne vous laissez pas berner par la qualité de la bande-annonce. Il se transforme rapidement en film à la débauche adolescente et capricieuse, aux fantasmes faciles et à la profondeur fallacieuse.
Le scénario du film commence par nous relater la belle et classique histoire d’amour de deux amants vivant au moment de la 1ère guerre mondiale. Paul et Louise sont mariés et s’aiment éperdument. Lorsqu’il rentre du front, il est de plus en plus récalcitrant : Paul ne peut plus endurer la dureté des combats. Sa femme comprend sa détresse et afin de le garder auprès d’elle, commence par le cacher dans le sous-sol de la maison de sa grand-mère.


Cependant, Paul étouffe dans cette cachette, si ce n’est ce cachot de fortune. Louise ne voit plus qu’une solution pour lui permettre de vivre.


Et si Paul se travestissait ?


Rapidement, Paul se prête au jeu et se change régulièrement en Suzanne… Si bien qu’il en vient à combler ses désirs en se prostituant au Bois de Boulogne. Oué les potes vous avez bien compris.


Alors dis comme ça, ça fait sourire mais, moi en tant que spectateur raisonné (enfin je crois), je prends du recul et j’évite les jugements hâtifs. Je me dis que cet homme, ou cette femme a quelque chose d’intéressant sur le plan psychologique à nous proposer et qu’il a de belles raisons d’aimer être une autre : une dualité et une ambivalence que le réalisateur ne manquera certainement pas d’appuyer et d’essayer de faire sortir.


Au lieu de cela, durant tout le long du film, on se confronte à un anti-héros, un raté, un looser sans aucun talent qui vit ses passions de façon absolument égoïste. Il néglige sa femme qui donne tout pour lui quand elle le peut et est, il me semble, plutôt séduit par les désirs que Suzanne suscite autour d’elle et surtout la popularité que cela lui octroie.


Aussi, alors même qu’on s’attend à ce que le film traite réellement de la difficulté du couple à vivre la perte de genre de Paul, il en est tout autre. La « folie » du vilain petit canard est traitée comme celle que le sens commun impose.


En fait, on remarque rapidement que le réalisateur (André Téchiné) a cruellement manqué de clairvoyance et de compréhension vis-à-vis des personnages qu’il voulait montrer. Ce film est le bon exemple pour ceux qui croient qu’il est facile de montrer quelque chose, même quand on ne la comprend pas.


Il est un merveilleux exemple pour démontrer la difficulté à faire du cinéma ! Les choix scéniques et scénaristiques pour raconter l’histoire paraissent loufoques et irréfléchis, au mieux aléatoires. En effet, même si la manière de mêler scènes théâtrales et scènes « réelles » apporte un supplément croustillant dans la façon de conter l’histoire, on s’offusque de l’ellipse de scènes qui devraient impérativement figurer dans le film et qui illustreraient bien mieux le paradoxe amoureux et la perte de soi que vit Paul lorsqu’il incarne Suzanne.


Si ce n’est cela, on saluera l’essai de l’approche originale et le choix pertinent de la chanson populaire « Auprès de ma blonde » en musique principale, collant en tout point avec la tonalité du film : c’est malgré tout, malheureusement, la seule chose qui collera merveilleusement avec… Aussi, le jeu de Pierre Deladonchamps est assez convaincant et produit aisément l’effet escompté, sans que cela soit transcendant. Celui de Céline Sallette en Louise est aussi bon, mais je n’ai rien à ajouter de plus. Malgré tout, on regrette que la mauvaise narration gangrène complètement leur jeu respectif et qu’elle ne réussisse pas à surélever un peu Nos années folles.


Ce film est donc une déception de plus. Mais c’est un film que je conseille, ne serait-ce que pour pouvoir disposer d’un beau mauvais exemple.


Après, si vous voulez un film qui traite de la déstabilisation d’un homme qui se préfère en femme, regardez plutôt Danish Girl et vous ne manquerez apparemment pas d’être conquis (selon ma copine, alors si finalement, elle a mytho, j’lui foutrai des coups de savate ne vous inquiétez pas).


Je dirais que celui-ci traite plutôt d’un homme paumé, lâche capricieux et dévergondé qui recherche la notoriété et l’estime. Cela est effectivement un sujet digne d’intérêt.


Mais je n’étais pas venu pour cela à la base et le traitement appliqué au film est mauvais, confus. La tentative de regard dévoilé à ce propos n’est ni lucide ni pertinente.


Carotoubaton ? Bah en l’occurrence, pour Paul, c’est plutôt ni l’un ni l’autre.


Sur cette magnifique boutade, je vous fais des poutous.


Signé : Carotoubaton !


Si tu veux retrouver plus de critiques de Carotoubaton vient voir lesyeux-fertiles.com. Il y en a plein d'autres :)

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le 23 nov. 2017

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