Noite Sem Distância
Noite Sem Distância

Court-métrage de Lois Patiño (2015)

J'avoue avoir été dubitatif une bonne minute sur le procédé esthétique de passer un film ne négatif. Simple esbroufe pour cacher la merde au chat ? Pas du tout. C'est peut-être même toute la subtilité du propos : nous re-montrer le monde.


Pour le populos urbanisé qui navigue dans sa ville de béton, le procédé serait sans doute aussi frappant chez lui que là chez les ruraux. Enfoncés dans les plaines du sud européen, on se retrouve là en territoire désert. Des vals, des collines, des gadins, des touffes d'herbes de telle ou telle couleur. Pour qui navigue dans un tel paysage, il devient vite assez plat. Le soleil donne du blanc sur le granit d'un gris banalisé, les herbes donnent une teinte verte qui n'étonne plus personne.


Passer en négatif, c'est finalement se ré-approprier le paysage. Cette plaine violette parsemée de tâches d'un noir profond, comme plongé dans un rêve éthéré... et bien en fait c'est ton quotidien que tu ne regardes plus vraiment. Et pendant les passages dans un vallon avec en son creux son court d'eau qui clapote, on se surprend à revoir les morceaux de nature qui se détachent : ces beaux arbustes violets qui sur plombent des rochers noirs où giclent des reflets bleus. C'est un spectacle pour qui, un peu amoureux de la nature et des bruits sans artifice trouvaient déjà beau. Leur inverse les fait ressortir d'autant plus. L'inverse du beau c'est le beau. C'est quand même habile !


Le plus formidable, c'est la place des personnages.


Honnêtement, les hommes sont bien secondaires. J'ai pour souvenir un plan où l'on voit le ruisseau se transformer en petite cascade. Le négatif transforme l'écume blanche en une sorte de tourbillon noir, comme une encre jetée en quantité depuis les hauteurs en spectacle hypnotique, pendant un plan large et fixe qui dure 3 bonnes minutes. Et il m'en a fallut presque 2 pour voir qu'un mec était posé en plein milieu du plan. C'est peut-être là aussi toute la beauté de la réalisation : on perd l'homme au milieu de la nature qu'on regarde avant le reste. Ces brigands qu'on voit attendre les camarades contrebandiers, ils restent sans bouger, perchés sur des rochers. Un d'eux fume. Le seul mouvement qui se transforme en non-mouvement face au ruisseau qui fait sa vie tranquillement.


Je n'ai même rien à dire sur les humains dans ce projet, on s'en fout. Et le réalisateur montre qu'il s'en fout. Ils traversent juste l'espace et le temps, mais jamais leur importance ne troublera quoique ce soit. Ils se mettent à l'encadrure de leur porte pour observer les brebis rentrer à la bergerie, pour attendre les autres passeurs de marchandises, pour se poser sur un rocher.


Ce court, c'est la nature retrouvée.

Grammar-Stalin
9
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le 31 août 2023

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Grammar Stalin

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