En préambule : je n'ai pas l'intention de le comparer avec le Dune de Lynch. On n'est pas là dans un remake, on a là une nouvelle adaptation. On pourrait comparer, mais non : effets spéciaux, photographie, acteurs, musique, design sonore... presque 40 ans séparent les deux films. Je m'autoriserai juste à comparer le rythme et la narration s'il le faut.


J'ai adoré ce Dune.


La patte de Villeneuve, c'est un univers sombre, posé, épuré mais jamais sobre, tout en grandeur impériale ( il suffit de comparer l'esthétique générale de ce Dune à Blade Runner : des grands bâtiments gigantesques aux murs lisses et sans détail superficiel, on est vraiment dans une esthétique nazie / brutaliste ) avec des plans larges et lents.


C'est aussi toute la patte Villeneuve, et qui fait que j'apprécie ce film : il laisse le temps. C'est peut-être l'unique élément à comparer avec le film de Lynch pour moi : ce premier, aussi qualitatif soit-il, ne prend pas assez de temps pour bien poser son univers, il semblait acquis pour qui connaissait déjà le roman. On peut ici découvrir Dune et son univers directement sans devoir sortir une encyclopédie.


Le film met 45 bonnes minutes à arriver sur Arrakis, tout le début sert à introduire ceux qui seront capitaux dans la suite : la maison Atréides, les Harkonnen, Jessica, Paul, et son test par la Révérende Mère du Bene Gesserit. On prend le temps, on pose situation par situation, tout le monde est introduit de façon fluide, rien n'est martelé ou enfoncé dans la gorge avec un bâton. Même les éléments techniques inconnus des non-lecteurs du roman, comme le pouvoir de La Voix, le "culte/caste/ordre/société" des bene Gesserit sont introduits petit à petit, sans forcer, mais subtilement. Aucun voix off, aucun narrateur interne ne vient expliquer d'une façon infantile de quoi il en retourne : les personnages en parlent, découvrent en même temps que nous. Paul devra s'acclimater à Arrakis, et pour se faire, il prend des leçons avec une sorte de liseuse holographique.


Petit à petit, avec les personnages, on découvre la planète.


Les acteurs, contenant des figures de nombreux milieux et tous bien choisis, laissent une bonne impression. Certains n'ont hélas pas le temps de briller : Oscar Isaac dans le rôle du duc Leto, qui tient une bonne heure de film, est bien utilisé mais pas trop, il laisse la place à Paul quand il le faut ; Jason Momoa, jouant Duncan ( l'ami/garde du corps/maître d'arme/conseiller stratégique de Paul et Leto ) est présent mais jamais mis vraiment en avant, sauf lors de quelques scènes de combat, qui manquent peut-être d'un peu d'énergie ( mais nous ne sommes pas dans un film ayant l'ambition d'être film d'action ) et pauvre Javier Bardem qui incarne Stilgar, cumulant à grand peine 10 minutes à l'écran, surtout à l'avant-dernière scène du film.


Le respect du livre est là, c'est indéniable. Quelques éléments sont rajoutés, mais sans jamais que ça ne sorte du contexte ou que ça choque. Je pense à une scène où le Duc, Paul et un garde du corps vont observer une moissoneuse d'épice, avant que l'arrivée d'un ver ne doive donner lieu à un sauvetage d'urgence : je n'ai pas souvenir de la scène dans le livre ( ou alors j'ai une mémoire en gruyère... ) mais ça ne choque pas. Ca introduit quelques traits aux personnages, ça donne un contexte précis. C'est un élément narratif qui me va très bien !


L'invasion Harkonnen est toute en musique, en plans larges, en ralentis. Les explosions, les destructions, les morts, tout est allongé, sonorisé, pas de photographie épileptique, pas de bruitages énervés. Ca n'en fait pas un film d'action de qualité ; la qualité se trouvera ailleurs.


Le découpage est majoritairement lent. Les scènes prennent leur temps et laissent aux acteurs l'occasion de jouer sur des séquences de plusieux dizaines de secondes. Je le dis parce que c'est important : un acteur doit avoir l'occasion de jouer un peu son rôle. Pas juste bouger un bras l'occasion d'un découpage qui va durer 3 secondes avant de VITE passer à la suite. Ici, pas de "on passe à la suite !", plutôt du "la suite arrive...".


C'est rythmé mais jamais rapide. Je pense que pas mal de spectateurs vont trouver ça "lent". Voire "long". Pas de scène sous ecstasy, pas de "pan pan boum boum", on parle d'une vieille histoire de SF qui se passe sur un désert géant.


Les effets spéciaux ici ne sont pas l'élément principal, mais un outil pour servir l'histoire, sans jamais la desservir. Ils sont propres, mais toujours sobres : les ornithoptères sont fidèles à ce qu'on connaissait déjà en terme de design, les vers sont de... bons gros vers, cylindriques et hornés de milliers de "poils" gigantesques avalant les plus gros éléments disponibles à l'écran. L'intérieur des vaisseaux, pour le peu qu'on en voit, rappellent la vieille science-fiction des Aliens ou des premiers Star Wars : des panneaux archaïques mais solides, des boutons poussoirs et des petits minitels avec des diodes blanches et rouges. Rien de jamais tape-à-l'oeil.


On passera sur la musique d'Hans Zimmer, dans la continuité de son virage électro-industriel-assourdissant, efficace mais sans plus.


Si vous venez de Blade Runner 2049, vous trouverez toutes les clefs de réalisation, de photographie et de découpage. Et, en toute subjectivité, pour moi la meilleure façon de rendre un univers complet de science fiction.


J'attends la suite avec intérêt !


Et j'ajouterai être ravi qu'un film à gros budget d'un gros studio accouche enfin d'un... bon film. Faut bien que le pognon finisse par servir à quelque chose...

Grammar-Stalin
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le 16 sept. 2021

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Grammar Stalin

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