Ninja Turtles - Teenage Years
6.6
Ninja Turtles - Teenage Years

Long-métrage d'animation de Jeff Rowe et Kyler Spears (2023)

Je n’ai jamais été un fanatique des Tortues Ninja. J’ai toujours trouvé que cette licence n’avait pas un énorme potentiel, des tortues baraquées qui vivent dans les égouts et qui mangent des pizzas… Je ne vois pas trop ce que ça peut m’apporter dans la vie. J’étais d’ailleurs sûrement repoussé par l’ambiance “underground” de la série, un peu punk, un peu baston dans les eaux usées. Je n’attendais donc absolument rien de cet (énième) reboot par Seth Rogen. Mais c’était sans compter sur el famoso direction artistique 2D-3D “à la Spider Verse” qui semble capable d’attirer les foules au cinéma (et de leur faire avaler des films très moyens) comme on l’avait vu avec Chat Potté 2 l’année dernière. Et je ne regrette pas de m’être fait encore une fois appâter par mon appétence pour l’animation, car bon dieu quelle demie-claque !


Adressons le rhinocéros dans la pièce : artistiquement la tarte (flambée) est absolue. La direction artistique est homogène et réussie, assez poisseuse et sombre. Les humains ont des gueules cassées un peu morbides (mais charmantes pas de body shaming ici) qui n’ont rien à envier au design ravagé des mutants, Manhattan est constamment de nuit faiblement éclairée par les lumières verdâtres des rues, et chaque surface du film semble gribouillée : sur les particules, les textures ou pour souligner les lumières. Plutôt qu’un halo lumineux on a dans ce film quelques traits clairs croqués et agités autour de chaque source lumineuse, je trouve ça incroyablement expressif et malin : ça ajoute du mouvement à des décors fixes et par exemple cette lune qui s’agite dans le fond ça donne une telle ambiance à la première scène. Encore une fois j’ai l’impression qu’on a laissé plus de place aux artistes pour s’exprimer dans la création visuelle, quitte à obtenir quelque chose de moins standardisé et donc de beaucoup plus personnel, graphiquement c’est du caviar ! J’ai un respect infini pour tous ceux et celles qui travaillent à de telles feux d’artifices pour la rétine, donc bravo à tous pour ce succès qui marquera et inspirera à l’avenir ! Le cinéma d’animation est en train d’aller dans la bonne direction en ce moment j’ai l’impression avec Soul, Spider Verse, enfin on ressent les artistes s’exprimer et les efforts mis dans chaque storyboard et chaque plan !


Malheureusement ce qui me blase plus c’est qu’à cette forme d’orfèvre est associé le fond toujours aussi malheureusement oubliable des tortues. Je regrette un peu de ne pas l’avoir vu en VO car le casting avait l’air vraiment ouf, mais la VF tente des trucs en gardant ce jargon de “djeunns” un peu attardé sans que ça paraisse trop forcé comme on le voit parfois (“C’est dar”, “une dinguerie”...). Ici comme les tortues en sont à leur adolescence ça ajoute au réalisme de l’ensemble (en 2023 ce n’est plus rare de croiser des jeunes à vélo qui te demande si tu as les cramptés). Comme toujours je suis aigri donc l’humour ne m’a pas pleinement parlé, semblable à la majorité des blockbusters actuels il passe son temps à casser l’ambiance et à désamorcer la moindre chose qui voudrait être premier degré… Je me rend compte que l’humour qui me plaît en fait c’est plutôt l’inverse de ça : des choses un peu ridicules montrées et assumées très premier degré, trop premier degré un peu comme dans les films de Dupieux où tous les persos sont des imbéciles finis mais ne sont jamais ridiculisés.


D’ailleurs globalement le film galère un peu à utiliser sa mirifique dimension visuelle pour créer des scènes convaincantes en termes d’émotion. Oui formellement c’est sublime, oui certains éléments paraissent un peu dérangeant ou repoussant, mais Spider Verse me paraissait beaucoup plus réfléchi sur cette dimension (mdr), en créant des confrontations intimes en resserrant le cadre sur de l’aquarelle ou en rythmant son combat initial sur une confrontation entre art classique et art moderne dans le musée Guggenheim. La patte graphique de ce Tortue Ninja est une réussite incroyable, beaucoup plus marquée (et donc jouissive) que celle du Chat Potté par exemple, mais l’utilisation de cette technique me parait un peu moins maligne que chez Spidey cette année. Et c’est un peu la faute à l’histoire trop sage, sans vagues, neutre, une aventure sans profondeur ou antipode particulier en émotion.


La partie sonore m’a également laissé sur ma faim, avec des sonorités électroniques et profondes un peu brutes qui ne sont pas sans rappeler le film en S-Word, je le tolère car ça sied effectivement à l’atmosphère des tortues. Par contre le fait de composer le thème de Firefly avec un instrument qui sonne inhabituel et dérangeant comme ça, ça me rappelle un peu trop le Prowler… L’utilisation sans retenue de musiques pop me déçoit aussi, il y en a un peu trop ! Spider Verse en utilise également mais elles me paraissaient plus culturellement justifiées avec les personnages, avec un vrai côté hip-hop East Coast Brooklynien (ce mot n’existe pas) vis-à-vis de Miles. Là y’a pas mal de rap aussi mais c’est pas foufou d’après mes oreilles de profane.


C’est le moment des dernières remarques pêle-mêle : le film comporte une bonne tartine de références pop-culture… J’apprécie de voir la culture manga shonen commencer à se faire référencer directement dans un blockbuster américain (car on ne m’enlèvera pas de la tête que la première scène du Chat Potté 2 c’est quasiment du Wit Studio plan pour plan). C’est assez drôle d’entendre comme ça parler du délire Nekketsu dans un film avec Ice Cube et John Cena. J’admet aussi avoir mouillé mon slip sur le micro caméo de Bob l’éponge, c’est vrai que c’est Nickelodeon qui possède les Tortues Ninja… J’apprécie le délire que les Tortues passent leur temps à parler en même temps en mode Riri Fifi et Loulou puissance 4, ça donne une cacophonie assez rigolote. Une autre super idée visuelle c’est le fait à la place d’un flou sur les mouvements de caméras de faire une coulée de pleins de traits de couleurs, très joli.


J’ai donc apprécié ce Tortues Ninja : Crise d'adolescence (Criss d’adolescence même en version québécoise). J’ai été un peu blasé par le fond du film, fidèle à la licence mais donc trop fade et classique à mon goût. J’ai par contre été absolument subjugué par la prouesse artistique encore une fois abattue en termes d’animation, de dessin, de storyboard et de direction artistique. C’est quasiment aussi sombre et sketchy que le dessin de BIll Plympton par moment et je dis ça comme un énorme compliment ! Peut-être qu’il y aurait eu moyen de faire quelque chose d’encore plus explosif avec un simple moyen-métrage ? Car pour moi la licence TMNT ne vaut vraiment pas plus longtemps… M’enfin c’est juste mon avis d’éternel blasé (pisse-froid d’après un commentaire sur mon avis de Mario Bros 😢). Il y a quand même un bon potentiel niveau iconisation pour une suite vu ce qui est teasé en post-crédit… affaire à suivre ? En tout cas mon respect éternel va encore une fois à tous les artistes qui ont pondu ces 1h40, vous êtes les dieux parmi les hommes.

Tomega
5
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le 9 août 2023

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