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Nightmare Alley. La nouvelle réalisation de Guillermo Del Toro s'est faite attendre depuis son annonce initiale en décembre 2017 juste avant l'obtention de son Academy Award en tant que meilleur réalisateur pour La Forme de l'eau. Si certains n'ont pas aimé le côté mièvre de cette romance atypique, c'est personnellement une très bonne appréciation que je tire de cette expérience. Son ambiance si unique à mi-chemin entre les films habituels de Del Toro et le cinéma de notre Jean-Pierre Jeunet national n'appréciant d'ailleurs pas la comparaison m'ayant beaucoup plu.


C'est donc un film noir, que Del Toro nous propose pour sa nouvelle réalisation. Par ailleurs nouvelle adaptation du roman de 1946 Le Charlatan de William Lindsey Gresham ayant déjà fait l'objet d'un film l'année suivant sa sortie mis en scène par Edmund Goulding. Je n'ai lu ni le roman ni vu la première adaptation. C'est donc avec cette version Del Toro que je découvre cette histoire.



  1. Nous faisons la connaissance de Stanton "Stan" Carlisle, un homme dont nous connaissons peu de choses et présenté d'emblée comme un antihéros puisque brûlant le corps d'une personne qu'il semble avoir tué. Qui est-elle ? Le récit nous le révèlera plus tard ce qui nous montrera donc un personnage cherchant à fuir son passé. Après un voyage en bus, il se retrouve au milieu d'une fête foraine itinérante à l'ambiance glauque et aux spectacles douteux dirigée par Clem incarné par l'illustre Willem Dafoe dans laquelle il va rapidement s'engager. Stan devient alors l'assistant de la diseuse de bonne aventure Zeena incarnée par Toni Collette pour son spectacle. Au début considéré comme une couverture face à son crime, ce qui d'ailleurs ne semble pas déranger Clem visiblement habitué aux personnages au passé inavouable, Stan va vite sans mauvais jeu de mot se prendre au jeu et se met en tête de créer son propre numéro truqué bien évidemment dans le but premier de s'enrichir. Tout ceci constitue le premier acte du film qui permet d'exposer son ambiance et ses personnages.


Deux ans plus tard après avoir quitté la fête foraine itinérante, Stan se produit et connaît un succès retentissant dans un cabaret avec le numéro qu'il a mis en place. C'est alors qu'il va rencontrer lors d'une représentation la psychiatre Lillith Ritter interprétée par Cate Blanchett qui va le mettre au défi. Les deux personnages vont par la suite collaborer tout en se confrontant jusqu'au final.


Guillermo Del Toro signe donc ici un film noir à l'ambiance pesante et crasseuse directement tiré de l'âge d'or du film noir des années 1940 dont il rend hommage avec brio nous présentant des personnages cyniques et désabusés merveilleusement interprétés par des acteurs de talent. Bradley Cooper certifiant ici l'une de ses meilleures performances et qui fait plaisir de retrouver dans ce style de film. Cate Blanchett dans le rôle de la femme fatale, personnage récurrent du film noir, est ici envoutante voire manipulatrice en jouant avec les émotions du spectateur en même temps qu'elle joue avec la moralité de notre (anti)héros, les scènes de confrontation étant éblouissantes d'acting. Willem Dafoe campe parfaitement son rôle ce qui fait regretter sa faible présence à l'écran à l'instar de Toni Collette, son personnage étant introduit intelligemment et que l'on pourrait penser au premier abord essentiel dans le scénario ne se révèle finalement pas déterminant dans l'histoire. Dernier personnage important du film, la muse et assistante de Stan, Molly interprétée par Rooney Mara performance pourtant saluée mais dont je suis restée de marbre, trouvant son jeu inexpressif.


Au niveau de la réalisation, Guillermo Del Toro a pris le temps de poser son récit, certains le trouvant long et pompeux, je n'ai pas eu cette impression. J'ai trouvé toute cette exposition cruciale pour expliquer la suite des événements et Del Toro utilise habilement l'époque dans laquelle se situe son long métrage en faisant référence aux événements historiques se passant dans le monde. Les dialogues sont très importants dans le film de telle sorte à ce que rien ne soit laissé au hasard. L'ambiance sonore est ici bien présente mais l'on regrettera sa faible portée et surtout le choix de Del Toro de couper la musique lors de certaines scènes qui en auraient eu besoin. On pourrait aussi regretter un fin expéditive mais concluant au final brillamment cette réalisation avec un juste retour des choses.


On est donc en droit de penser que ce film dénote avec les précédentes réalisations plus légères et moins pessimistes du réalisateur. En effet Guillermo Del Toro ayant l'habitude de mettre l'accent sur des monstres au sens propre du terme. Les spectateurs semblent dire qu'il n'y a pas de monstres dans ce film mais qu'en est t-il vraiment ? Il s'agit d'une interprétation personnelle mais il y a pour moi bel et bien des monstres dans ce film, des monstres qui nous semblent moins atypiques car nous vivons avec tout les jours. Ces monstres qui dans le film se moquent de leurs semblables ayant des vies les ayant menés à faire les mauvais choix, ces monstres qui s'enrichissent sur le dos de ces mêmes personnes ou ceux profitant tout simplement de l'incrédulité de leur audience. Ces monstres représentés ici dans un film se situant au début des années 40 mais qui pourrait faire écho avec l'époque actuelle sur certains aspects.


Nous nous retrouvons donc face à une très grande réalisation d'un réalisateur décidément au sommet de son art et dont on espère de futurs grands films.

Tchiiik
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le 25 janv. 2022

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Tchiiik

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