Excellent film de procès. Mais en fin de compte ce n’est pas vraiment ce qui intéresse le cinéaste, l’issue de l’affaire, savoir si cet homme est ou non coupable de ces crimes de guerre dont on l’accuse. Mais c’est bien le drame familial qui se noue autour de cette affaire. Le film commence sur une séquence de danse, d’un homme avec sa fille, sous les yeux de son fils et de son petit-fils. Y’a t-il une séquence de cinéma plus fédératrice qu’une scène de danse ? La situation familiale est installée, les liens sont forts, c’est une famille américaine soudée, modèle. Quand cet homme subit les accusations c’est sa fille, avocate, qui s‘apprête à la défendre. Tous sont alors certains qu’il s’agit d’une erreur, mais très vite les preuves s’accumulent, de plus en plus évidentes, pour le spectateur dans un premier temps, de plus en plus porteuses de doute en ce qui concerne la jeune femme. Costa Gavras joue sur la répétition, laissant se succéder les interventions les unes aux autres, de survivants de l’holocauste qui ont eu affaire à cet homme il y a plus de trente ans. Le cinéaste joue intelligemment. Il place le spectateur en avance, en lui donnant d’emblée trois indices importants, que la jeune avocate ne connaît pas, que l’on retrouvera par la suite, à savoir un mouvement, une appellation, une phrase. Il n’y a plus de doutes finalement en ce qui nous concerne. Le doute nous est installé par cette femme, si déterminée à innocenter son père. C’est sans doute ce qu’il y a de plus beau dans ce film. Cette façon qu’elle a de se jeter à corps perdu dans ce procès, parce qu’il s’agit de son père, sans vraiment ouvrir les yeux sur ce qu’elle remet en cause. Costa Gavras ne remet jamais en cause les crimes de l’holocauste. Pourtant il y un instant où je me suis demandé où il s’embarquait. Si tout cela n’allait pas se terminer joliment, sur un acquittement, remettant ainsi en question les preuves de la partie adverse. Music box aurait alors été un film atroce. Mais non car une fois de plus c’est un film sur le combat d’une femme, pas sur les évènements tragiques de la Shoah. Ce n’est pas non plus qu’une toile de fond, jamais chez Gavras, mais c’est tablé comme une certitude, comme quelque chose d’intouchable. Quand l’affaire touche à sa fin, la jeune femme découvrira la vérité, d’un seul coup, il lui aura fallu se déplacer jusqu’au bord du Danube. Une vérité qu’elle n’attendait plus. Et c’est une simple boite à musique qui la lui offre. Ou comment passer au travers d’une affaire, quand on y défend son propre père, dont on aperçoit que l’on ne connaissait rien de lui, rien de son passé. Un père qui s’était construit une famille comme alibi pour l’innocenter, un statut bidon et comptait sur sa propre fille pour le sortir de cette terrible affaire. C’est à la fois terrifiant et bouleversant. Les dernières minutes du film sont d’une puissance incroyable.