A quoi bon ?
Énervement, couplé à une lassitude certaine, à laquelle s'ajoute des touches de fatalisme.
Cette description pourrait convenir à celle du sentiment que l'on éprouve à la sortie de Much Loved.
Si j'osais le parallèle, certes un peu cavalier, je dirais que ce Much Loved va être ce qu'était Timbuktu l'année dernière. Mais je n'oserai pas.


A quoi bon assister à tout ça ?
J'apprends que le réalisateur Nabil Ayouch est menacé d'être assassiné dans son pays natal, le Maroc, pour avoir osé faire un film comme celui-ci. Certes la réaction primaire et bestiale d'hommes qui soudainement se sentent intérieurement visés par un monde que leur conscience religieuse conspue extérieurement est d'une bêtise évidente qui invite à la réaction. On peut saluer le réalisateur d'avoir tenu tête à ces menaces et d'avoir délivré ce film au monde entier.
Mais tout ceci en valait-il vraiment la peine ?
Car si le film d'Ayouch est choquant il n'en est pour autant pas moins totalement nul et vide de sens.
Qu'y a t'il d’intéressant à voir le quotidien de prostituées ? Rien.
Qu'y a t'il d’intéressant à voir se succéder sous nos yeux des scènes de sexes outrancières et sans but durant plus d'une heure quarante ? Rien.
Qu'y a t'il d’intéressant à subir ces personnages imbuvables ? Rien.


Car en sortant de la salle on se demande bien quel a pu être l'objectif du réalisateur lorsqu'il a décidé de réaliser Much Loved. On ne voit nullement où est l'attaque ni ou est la défense dans son propos.


Posons des hypothèses :
- Ayouch a voulu critiquer le monde de la prostitution.
Aucun argument n'est donné pour ou contre ce milieu, Ayouch se contentant de filmer avec une distance troublante quasi documentaire ce milieu outrancier et souvent répugnant dont il semble ne rien dire ici. S'il a voulu critiquer ce monde, alors sa critique tombe à plat, en faveur d'une simple exposition et constatation misérable.



  • Ayouch a voulu défendre les femmes de son pays, dressant une oeuvre féministe.
    Choisir des putes terriblement vulgaires, détestables et désespérantes comme héroïnes et leader de la cause féminine ne semble pas être à mon sens le choix le plus judicieux. On a qu'une envie c'est de foutre des baffes à ces personnages insupportables qui n'ont pour valeur que le fric et leur corps. Et lorsqu'une d'elle se fait maltraiter par un client dont elle découvre "l'honteuse" homosexualité (scène terriblement détestable pour deux raisons : la violence de l'homme qui maltraite la femme et la bêtise de la femme, pas plus intelligente que ceux qui veulent la mort du réalisateur, qui insulte son client homosexuel, n'aidant aucunement à la tentative d'acceptation de la condition homosexuelle dans les pays du Maghreb...) le réalisateur voudrait que nous nous révoltions ? Que nous nous ulcérions ? Que nous partions à la défense de ses femmes ? Quelle blague !


  • Ayouch veut critiquer un pays où les libertés sont restreintes.
    Appelant ainsi à une certaines évolution, le réalisateur choisit de montrer pourtant la situation extrême. Celle où les hommes se veulent travestis et les femmes libérées de leur joug sexuel et dégradant.
    Ne montrer que des putes qui se plaisent à leur travail et en abuse même pour prôner le vol et la drogue serait donc le moyen le plus efficace pour faire souffler un vent libertaire sur un pays qui en manque ? Suis-je donc le seul à ne voir ici que la bêtise du système ?



En cumulant les scènes de sexe outrancières, le réal ne pouvait que s'attirer les foudres. Et démontrer qu'une scène de cul peut enflammer les instincts violents des religieux convaincus est inutile si cette démonstration n'est pas suivie d'un combat. Et tenter de s'en faire excuser auprès des critiques de cinéma à l'aide d'une musique grave aux airs de films d'auteurs français qui très régulièrement vient envahir les scènes qui pourraient lui attirer les foudres, ou en proposant, lors de longues scènes inutiles de voyages en voiture, un soit disant regard critique porté sur la société marocaine (qui se réduit en fait à une série de scènes de rues inutiles filmées en caméra discrète...) est l'excuse la plus ridicule qui n'aie jamais été faite. Et le tout est tellement long et rébarbatif que la fin, aussi maladroite soit-elle, sonne à nos yeux comme un accomplissement, une libération.


Much Loved est un film inutile, vide de sens et de souffle cinématographique qui tente de critiquer une situation en en faisant l'apologie.
Ulcérant et révoltant.

Charles_Dubois
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le 20 sept. 2015

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Charles Dubois

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